La mort noire by Peru Oliver

La mort noire by Peru Oliver

Auteur:Peru, Oliver [Peru, Oliver]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782919755905
Google: gBS6NAEACAAJ
Publié: 2012-11-07T23:00:00+00:00


Les Haut-Conteurs

V. La Mort noire

Scrineo

1

Le retour

Londres, le 4 octobre 1193.

Roland attendit que le bateau s’immobilise pour décrisper ses mains du bastingage. Une houle vicieuse s’était acharnée à lui empoisonner ce dernier jour de voyage, et le calme revenait seulement maintenant, alors que le lourd bâtiment entrait au port. Définitivement fâché avec les fantaisies enfantines où il se rêvait grand navigateur, le jeune homme dressa un constat sans appel : deux ans d’amnésie à croupir dans les geôles des sorcières ne l’avaient pas guéri de sa tendance au mal de mer.

Enfin soulagé de sentir de nouveau un sol ferme sous ses pieds, il inspira une grande goulée d’air frais et s’avança sur le pont. Le jour déclinait, et les lueurs des torches illuminaient l’horizon de mille feux. Sur les quais, de nombreux ouvriers s’affairaient à leurs travaux de maintenance ou de fret. Roland repensa à sa première venue à Londres. L’hiver 1190, déjà… À l’époque, il s’était émerveillé de découvrir le spectacle magique qu’offrait cette grande ville, la première qu’il visitait de toute sa courte existence. Depuis, il y avait eu tellement de combats, d’événements, de pérégrinations… Paris, la Forêt-Noire… et surtout, la longue réclusion au cœur de la Montagne hurlante, en royaume de Norvège.

— Eh bien, Roland le Revigoré ? lança Mathilde d’un air facétieux. Je ne crois pas me fourvoyer en affirmant que tu es content d’arriver…

— Comme si tu pouvais avoir le moindre doute ! rétorqua-t-il en riant.

Au moment où la Patiente avait prononcé son premier mot, Roland s’était retourné. Elle se mouvait toujours de façon aussi discrète, mais, cette fois, il avait perçu son approche. Et il en restait le premier étonné.

— Six jours de traversée, cela fait beaucoup, c’est vrai, reprit la Conteuse. Sans cette méchante tempête, voici quarante-huit heures que nous serions chez nous.

— L’essentiel est que cela s’achève enfin. J’ai cru que j’y laisserais mes tripes, la nuit dernière…

— J’ai entendu cela, de ma cabine !

Leur éclat de rire ricocha sur la joyeuse exclamation de Geoffroy Bouche-Goulue. Le Conteur au bâton ferré venait vers eux, aux côtés de Salim l’Insondable et de Corwyn le Flamboyant. Elena, la jeune Italienne élève de Maître Calixte, marchait un peu en retrait. Elena, dont Roland ne savait plus trop s’il l’aimait encore. Après tout, il n’avait pas mis à profit leur périple maritime pour tenter de diminuer la distance instaurée entre eux. Le souhaitait-il vraiment, au fond ? Il n’eut pas le temps de s’appesantir sur la question, réceptionnant de justesse le sac que lui jetait un Geoffroy résolument rigolard. La perspective du banquet qu’il n’allait pas manquer de proposer mettait des étoiles dans les yeux de Bouche-Goulue le bien nommé.

Embarqués à vingt Haut-Conteurs du petit port norvégien de Kragstad, ils n’étaient que six se préparant à rejoindre la demeure londonienne de l’Ordre Pourpre. Ryan Brume-d’Automne, Bastien le Tonnerre et douze autres capes pourpres s’étaient arrêtés à Bruxelles, leur propre point de départ. Quatorze bons compagnons accourus sur la demande de Corwyn, lequel suspectait de devoir affronter les Noirs Marcheurs de Lothar Mots-Dorés aux environs de la Montagne hurlante.



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