La Mauvaise Vie by Mitterrand Frédéric

La Mauvaise Vie by Mitterrand Frédéric

Auteur:Mitterrand, Frédéric [Mitterrand, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Autobiographie
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2005-03-16T23:00:00+00:00


Howard Brookner

Il avait tourné un film sur William Burroughs et, en ce temps-là, au début des années 1980, je dirigeais un petit réseau de salles de cinéma d’art et essai. Il venait de New York et il cherchait une sortie pour son film à Paris. C’était une production modeste qu’il avait financée lui-même en s’endettant et il comptait sur la renommée littéraire de Burroughs en France, sur notre réputation de cinéphiles encore bien établie pour donner une chance supplémentaire à son film, lui ouvrir peut-être le chemin des festivals. Une salle de Soho l’avait d’ailleurs projeté durant quelques semaines et il disposait d’une revue de presse aux critiques très élogieuses. Le film se présentait comme un reportage sur l’écrivain américain avec des parties documentaires où il avait interrogé des gens qui connaissaient Burroughs, visité des lieux qu’il pratiquait habituellement, monté des éléments d’archives et avec des parties de fiction inspirées de ses textes où Burroughs jouait son propre rôle avec une indifférence somnambulique plutôt terrifiante. C’était un très bon film, au ton froid et détaché, le ton juste pour appréhender Burroughs au cinéma en évitant l’écueil de la performance inédite d’une participation active de l’écrivain. Cela, je ne m’en suis rendu compte qu’après, quand j’ai vu le film, car au moment de notre première rencontre, je n’ai vu qu’Howard Brookner et il m’a plu tout de suite.

Il devait avoir à peu près mon âge, trente ans tout au plus, il n’était pas très grand, les cheveux drus et noirs, le regard bleu, un beau visage aux traits réguliers. Il portait un imperméable coupé à l’américaine, comme Paul Newman dans les films en scope couleurs de Mark Robson, un complet de banquier ou d’avocat en chemise et cravate très soixante, très clean, mais sans aucune affectation ; son style en somme, entre l’Amérique et l’Europe quand aucun des cinéastes que je connaissais ne s’habillait comme cela de New York à Paris. Il parlait lentement pour que je comprenne bien tout ce qu’il avait à me dire alors que je maîtrisais l’anglais nettement moins bien qu’aujourd’hui. J’ai d’ailleurs encore beaucoup de lacunes dans ce domaine mais je pense que notre brève relation a été décisive pour m’inciter à progresser sérieusement ; j’aimais tant parler avec lui. Il n’avait aucune arrogance, pas la moindre vanité en me montrant ses critiques et en m’expliquant ce qu’était son film. Je n’ai jamais su pourquoi il avait tenu à venir me voir quand il existait toutes sortes de salles plus prestigieuses et plus prospères, mieux placées en plein Quartier latin. Il m’a seulement dit qu’il avait parcouru les circuits existants avec son Pariscope à la main et que la salle où je le recevais, avec le restaurant et la librairie attenants, lui avait paru mieux convenir à la diffusion de son film. L’atmosphère de l’endroit, un entrepôt recyclé centre culturel et le va-et-vient du public entre les rayonnages, les tables serrées, les écrans, l’avait séduit. D’ailleurs il ne connaissait pas Paris, c’était son premier voyage, et



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