La lune dans le caniveau by David Goodis

La lune dans le caniveau by David Goodis

Auteur:David Goodis [Goodis, David]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2011-10-10T04:00:00+00:00


CHAPITRE X

Il marcha sans but dans Vernon Street, passa d’un trottoir à l’autre plusieurs fois sans trop savoir pourquoi. Dans Wharf Street, il retourna sur ses pas et remonta Vernon Street jusqu’au bout, arriva à la Onzième Rue, puis rebroussa chemin pendant onze pâtés de maisons jusqu’à Wharf Street et revint encore sur ses pas. Il ne pensait pas aux kilomètres qu’il parcourait, ni au nombre d’heures que cela prenait. La seule sensation qu’il éprouvait clairement, c’était le poids de l’appareil photo dans la poche de sa veste.

Il faisait sombre maintenant. Il continuait de faire des allées et venues dans Vernon Street et s’arrêta enfin devant une vitrine, regarda le cadran d’un réveil qui indiquait onze heures quarante. Il prit un air maussade, planté devant ce réveil, et se demanda ce qu’il allait bien pouvoir faire de l’appareil photo.

Il s’éloigna de la vitrine et se remit en marche dans Vernon Street. Les habitants, fatigués par la chaleur, se tenaient en groupe devant leurs portes, le visage luisant de transpiration. Lorsque Kerrigan les dépassait, ils le regardaient avec étonnement en voyant le col boutonné, la cravate et l’épais costume de laine. Ils hochaient la tête.

Et bien qu’il n’y pensât pas, la chaleur moite s’infiltrait dans son corps, il se déplaçait avec une difficulté croissante. Sa bouche et sa gorge lui faisaient mal tant il avait besoin d’une boisson fraîche. Il vit la lumière à la fenêtre de chez Dugan, et l’idée lui vint que quelques bières lui feraient le plus grand bien.

En entrant dans le bar, il entendit l’air aigrelet et faux que Dugan fredonnait. Il y avait trois clients au comptoir, deux sorcières au visage très maquillé et une épave humaine, sans âge, un bossu penché très bas sur un verre de vin. Les sorcières regardaient Dugan qui avait les bras croisés et les yeux à moitié fermés, se concentrant sur la musique qui sortait de ses lèvres.

L’une des sorcières se pencha vers Dugan et hurla : « La ferme, arrête avec ce bruit. Je supporte pas ce foutu bruit ! »

Dugan continuait de fredonner.

« Tu vas la fermer ? S’écria la sorcière d’une voix perçante.

— Y la fermera pas, dit l’autre sorcière. Le seul moyen de le faire taire c’est de le descendre.

— Un de ces soirs c’est ce que je ferai, dit la première. Je viendrai ici avec un fusil, et ça me soulagera de lui flanquer une balle dans la gorge. »

Kerrigan était au bar. Il attira l’attention de Dugan. Il voulait une bière. Dugan remplit un verre et le lui apporta. Il le vida rapidement et en commanda un autre. Il regarda la pendule au-dessus du bar et se souvint qu’elle ne marchait pas. Dans la poche de sa veste, l’appareil photo pesait très lourd.

La première sorcière montra Kerrigan du doigt et dit d’une voix forte : « Regarde c’t’ espèce d’idiot. Regarde un peu comment il est fringué.

— En costume d’hiver, dit l’autre.

— P’t’ être qu’y croit qu’on est en hiver », dit la première sorcière.



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