La Guerre et la Paix - Tome II by Léon Tolstoï

La Guerre et la Paix - Tome II by Léon Tolstoï

Auteur:Léon Tolstoï [Tolstoï, Léon]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique
Éditeur: Ebooks libres et gratuits
Publié: 2010-07-08T04:00:00+00:00


XVII

Anatole sortit un moment, et revint bientôt, vêtu d’une petite pelisse retenue à la taille par une ceinture en cuir avec des ornements en argent, et coiffé d’un bonnet garni de zibeline, posé de côté d’un air crâne, qui seyait à merveille à sa belle figure. Il se regarda dans la glace, se retourna et saisit un verre rempli de vin :

« Eh bien, mon cher Dologhow ! adieu, et merci pour tout ce que tu as fait ; adieu, vous aussi, mes chers compagnons de jeunesse, adieu ! »

Anatole savait fort bien qu’ils se disposaient tous à l’accompagner, mais il tenait à rendre cette scène attendrissante et solennelle. Il parlait haut, lentement, la poitrine tendue avant, et se balançait sur une jambe :

« Prenez des verres, toi aussi, Balaga… Oui, compagnons de ma jeunesse, nous avons vécu, nous nous sommes amusés, nous avons fait des folies ensemble ; et maintenant, quand nous reverrons-nous ? Je vais à l’étranger. Adieu, mes enfants… À votre santé, hourra !… » Et, avalant d’un trait le contenu de son verre, il le jeta à terre, où il se brisa en mille morceaux.

« À votre santé ! » dit Balaga en vidant le sien à son tour et en essuyant sa barbiche avec son mouchoir.

Makarine, les larmes aux yeux, embrassait Anatole :

« Ah ! prince, quel chagrin de nous séparer, murmurait-il, quel chagrin !

– En route, en route ! s’écria Anatole… Un moment ! ajouta-t-il en voyant Balaga se diriger vers la sortie : fermez bien les portes, et asseyons-nous{17}. » On les ferma et l’on s’assit… « Voilà qui est fait, et maintenant, mes enfants, en route ! » répéta-t-il en se levant.

Joseph, le domestique, lui présenta sa sacoche et son sabre, et tous passèrent dans le vestibule.

« Où est la pelisse ? demanda Dologhow. Hé, Ignatka ! va demander à Matrena Matféïevna la pelisse de zibeline ; entre nous, je crains qu’elle ne l’emporte, ajouta-t-il plus bas… Tu verras, elle va accourir plus morte que vive sans rien mettre sur ses épaules, et, si tu t’attardes, il y aura des pleurs, papa et maman feront leur apparition… : aussi, prends bien vite la fourrure et fais-la mettre dans le traîneau. »

Le domestique revint avec une pelisse doublée de renard ordinaire.

« Imbécile ! je t’ai dit celle de zibeline ! Hé, Matrëchka, » s’écria-t-il avec tant de force, que sa voix retentit jusqu’au fond de l’appartement.

Une jolie bohémienne, maigre et pâle, avec des yeux d’un noir de jais, des cheveux bouclés à reflets aile de corbeau, enveloppée d’un châle rouge, se précipita dans l’antichambre en apportant la fourrure de zibeline.

« Eh bien, quoi ! la voici, prenez-la, je ne la regrette pas, » dit-elle d’un ton plaintif, en contradiction avec ses paroles ; elle était intimidée à la vue de son maître.

Dologhow lui jeta sur les épaules la pelisse de renard et l’en enveloppa :

« Comme cela d’abord, dit-il en relevant le collet, et comme cela ensuite, ajouta-t-il en le faisant retomber sur



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