La Garce by David Goodis

La Garce by David Goodis

Auteur:David Goodis [Goodis, David]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


10

George Ervin se tournait et se retournait sans arrêt dans son lit. Il entendit la porte d’entrée s’ouvrir. Evelyn, songea-t-il. Il tenta de se persuader qu’il était éveillé parce qu’il s’inquiétait de l’heure tardive à laquelle elle rentrait. Parce qu’il l’attendait, qu’il voulait être sûr qu’elle rentrait à la maison, et que rien ne lui était arrivé. Mais il abandonna cette hypothèse. Il repensa à la nuit d’hier, à la nuit d’avant-hier, à toutes les autres nuits.

Il écouta Evelyn aller et venir au rez-de-chaussée. Les bruits lui indiquaient ce qu’elle était en train de faire. Il leur en était reconnaissant, car ils contribuaient à le distraire du trou noir et du lent écoulement de l’insomnie dont il était devenu l’otage.

Il écoutait le bruit des pas, au rez-de-chaussée.

Il pouvait ainsi reconstituer la scène, recréer toutes les lignes et toutes les couleurs du tableau. Evelyn marchait dans la salle à manger. Elle ouvrait une porte, rangeait son léger manteau de printemps dans un placard. Puis, la porte était refermée ; et il y avait encore davantage de bruits de pas.

Des pas dans l’escalier. Ils se rapprochaient. Un pas féminin. Il y avait, pour lui, quelque chose de si cher dans ce bruit, dans chaque son émis par sa fille, sa fille chérie, cette partie de lui-même…

Des pas dans le couloir.

Il écouta le bruit des pas d’Evelyn, avançant dans le couloir. La manière silencieuse et attentionnée dont elle ouvrait la porte de sa chambre lui fut à peine perceptible. Puis il attendit. Il voulait l’entendre repasser dans le couloir et entrer dans la salle de bains. Il reconnut le déclic de l’interrupteur, quand elle alluma la lumière, et tous les bruits habituels que l’on peut entendre dans une salle de bains. Le cliquetis d’un verre posé sur une tablette. De l’eau qui coule. De vagues éclaboussements.

Et puis, plus rien, pendant un certain temps. George resta là à attendre, immobile, les yeux grands ouverts. Il contempla le plafond noir, et le dessin intrigant de la lueur verte, qui brillait à côte du lit. Il se retourna et regarda le réveil. Les chiffres luminescents indiquaient deux heures vingt. George entendit se rouvrir la porte de la salle de bains. Il écouta les pas d’Evelyn dans le couloir. Une autre porte se referma. Celle de sa chambre. À présent, Evelyn, sa petite fille, était dans sa chambre. Elle allait s’endormir. Dors, mon bébé… Julia chantait toujours cette chanson-là.

Dors, mon bébé… Julia chantait toujours cette chanson-là, en berçant le petit paquet, enveloppé dans une couverture bleu clair. Dors, mon bébé, dors profondément. Dors profondément, tranquillement, complètement, mon bébé. George s’assit sur son lit, et leva les jambes pour en descendre. Il se rappelait les bruits qu’il venait d’entendre. Tous les bruits, et l’ordre dans lequel il les avait entendus. Ayant mis bout à bout tous les bruits, il avait reconstitué la scène entière du retour d’Evelyn, depuis son entrée jusqu’au moment où elle était allée se coucher. La scène était complète. Presque. Il manquait un bruit. Dans la salle de bains, la lumière devait être encore allumée.



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