La dernière joie du monde by Unknown

La dernière joie du monde by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Métailié
Publié: 2024-01-19T00:00:00+00:00


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– Quel monde compliqué celui où quelqu’un doit s’excuser pour les mauvaises idées des autres, non ? Vous ne savez pas de quoi je parle ? J’ai assisté à votre intervention l’autre jour. Vous êtes venue me chercher parce que vous avez besoin d’un directeur de thèse, vous dites que vous ne me connaissez pas et vous vous scandalisez que je pense à ma réputation ? Évidemment je suis allé voir sur Internet. Vous voulez que je mette ma signature au bas d’un texte avec lequel je ne suis pas d’accord ? Vous croyez que tout ce que vous pensez est juste, parce que c’est vous qui l’avez pensé ? Il ne vous est jamais venu à l’esprit que vous pouvez avoir de mauvaises idées ? De très mauvaises idées, en vérité ? Pourquoi devrais-je trouver que l’exemple de votre thèse est un paradigme du racisme uniquement parce que ce qui le définit est précisément qu’il n’est pas visible comme racisme ? Bien sûr, je comprends votre raisonnement, mais il faut que vous pensiez mieux, que vous prouviez mieux. Il ne suffit pas de dire qu’il s’agit de racisme parce que nous trouvons que ça l’est, parce que nous savons que le racisme existe. Oui, c’est un piège, mais vous devez être suffisamment intelligente pour savoir le déjouer, au lieu d’accepter de participer au même jeu.

“Vous voulez recréer les règles, mais pour le faire vous devez penser mieux. J’ai assisté à votre intervention. Je vous ai entendu accuser la femme blanche de perpétuer le discours du colonisateur pour avoir cité Kafka. Oui, je vous ai entendue traiter cette femme de raciste, de porte-voix et de reproductrice du discours du colonisateur, pour avoir cité Kafka. Raciste et victime, oui, j’ai entendu ce que vous avez dit. Raciste et victime, pour avoir intégré et reproduit inconsciemment le discours du colonisateur. Ce n’est pas la peine, j’ai compris. Victime, parce qu’elle est, elle aussi, colonisée. Vous avez dit que Kafka n’aurait pas existé sans l’esclavage de millions d’Africains. Cristalline. Bien plus cristalline que la logique de votre proposition de thèse. Oui, Kafka n’aurait peut-être pas existé, vous et moi non plus. Et ni votre argumentation kafkaïenne. Je suis d’accord quand vous dites que les choses se perpétuent parce qu’elles sont invisibles, mais vous devez aller au-delà de la tautologie, vous devez nous faire voir. Je ne suis pas abstrait, je vous demande d’être plus concrète. Cherchez un meilleur exemple. Celui-là ne tient pas debout. Ils vont vous détruire pendant votre soutenance, et ma réputation en même temps. Sachez que c’est ce qu’ils attendent, qu’une femme noire ne soit pas à leur niveau. Vous voulez leur donner raison ? Une pensée originale ? Vous croyez vraiment ? Moi ? C’est comment ? Le cercle vicieux du raisonnement blanc ! Ni blanc ni noir, la logique est le champ de bataille et vous êtes mal armée. Il ne vous suffit pas que l’adversaire pense mal, vous voulez qu’il s’agenouille et demande pardon pour ses mauvaises idées. Les siennes, évidemment, pas les vôtres.



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