La chasse-galerie by Thériault Gabriel

La chasse-galerie by Thériault Gabriel

Auteur:Thériault, Gabriel [Thériault, Gabriel]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions AdA
Publié: 2020-10-14T04:00:00+00:00


CHAPITRE 25

En me tordant le cou, je me suis vu le dos dans le miroir. J’ai vu quelque chose. Une sorte de grouillement, de petite bouche à pinces et à crocs surgie de ma peau, dans une déchirure pourpre. Elle claque des mandibules et s’enfonce de nouveau en moi. Je l’aperçois maintenant qui s’agite sous l’épiderme. Pire, je la sens plonger plus profondément, jusqu’à presque disparaître, n’eût été l’obstacle dur et osseux de l’omoplate. Une bosse remuante apparaît toutefois encore à fleur de chair.

Marc me regarde avec des yeux hallucinés. Il est livide. Il m’agrippe et me plaque au sol. Puis, il me plante les deux genoux dans le dos. Sa masse m’écrase, me suffoque. Enfin, il m’enfonce la lame dans l’omoplate.

Je crie ! Je crie de douleur et de terreur. Ce cri fouette les autres gars, sortis de leur torpeur, appelés en renfort. Ils accourent à leur tour. Ils me saisissent et me coincent les membres, tandis que je hurle toujours plus, sous la lame qui me fouaille et les doigts de Marc qui s’enfoncent dans la plaie.

À travers les grognements, et entre les respirations qui se déchaînent, j’entends la grosse voix éraillée de Jacques.

— Ça y est, tu l’as, Marc ?

— Ouais ! Je l’ai !

D’un coup sec, Marc l’arrache et le jette devant moi. Une sorte d’hybride écœurant entre une tique et un ver. Le corps, les pattes avant et la tête d’une tique énorme et difforme, qu’on aurait nourrie à la radioactivité. Mais l’abdomen d’une sorte de larve répugnante, grouillante dans sa merde, qui dégage du froid et de la brume, et que je fixe avec horreur tandis qu’elle se replie dans un coin de la pièce, pareille à une araignée apeurée.

Benoît se ressaisit le premier. Il se rue sur la poubelle, l’agrippe. Enfin, il se jette sur la chose, qu’il s’apprête à écraser à grands coups, quand Marc l’écarte.

— Non ! Pas ça ! Allez me chercher un pot au PC !

C’est Gutts qui accourt. Il revient vite. Marc ne perd pas une seconde. Toujours le premier à agir quand ça va mal. Ses réflexes de soldat ne le lâchent pas. À la pointe du poignard, il enferme la bestiole dans le bocal.

Puis, avec son cri de sergent, le même avec lequel il a commandé sa section sous le feu, il nous entraîne vers la cuisine, où je vois qu’il a activé le micro-ondes quand il est passé là en coup de vent, la première fois. Derrière la vitre, une tasse tourne et chauffe, tandis que Jacques me panse le dos comme il peut et que moi, je grimace de douleur.

L’électroménager sonne. C’est prêt. Marc se précipite. Il en sort la tasse fumante, y plonge un doigt. Le retire. C’est chaud, brûlant même. Aussitôt, il ouvre le bocal et y verse l’eau bouillante. Aussitôt, la chose se liquéfie, en répandant une fumée d’ailleurs.

Tout sourire, et toujours nu, Marc nous regarde. Ses yeux flambent. Il est dopé par le danger. Il n’a plus peur. Au contraire de nous, complètement tétanisés.



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