Journal d'une Survivante by Eva Schloss

Journal d'une Survivante by Eva Schloss

Auteur:Eva Schloss [Schloss, Eva]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Autobiographie, Seconde Guerre Mondiale, Shoah, Récit - Témoignage
ISBN: 9782824641430
Éditeur: Terra Nova
Publié: 2014-11-25T23:00:00+00:00


16

Amsterdam à nouveau

Quelques jours après notre arrivée à Amsterdam, on frappa un matin à la porte des Rosenbaum. J’allai ouvrir. C’était Otto Frank qui se tenait devant la porte. Il semblait calme, mais il était aussi maigre que la dernière fois que je l’avais vu, à bord du navire qui avait quitté Odessa pour Marseille. Je le laissai entrer et le conduisis jusqu’à Mutti. Elle lui sourit, mais, clairement, il ne la reconnut pas.

— Nous nous sommes déjà rencontrés, n’est-ce pas ? Dans le train ? lui demanda-t-elle.

Il fronça les sourcils un instant comme s’il tentait d’extraire quelque chose du plus profond de sa mémoire. Puis il hocha la tête négativement.

— Je suis désolé, je ne me souviens pas, dit-il. J’ai eu votre nom sur la liste des survivants. J’essaie de savoir ce qui est arrivé à Margot et Anne.

Otto s’assit à côté de Mutti. Ils passèrent un long moment à discuter, tâchant l’un et l’autre de se rassurer, de se dire que chacun retrouverait sa famille.

Après quelques semaines chez les Rosenbaum, nous décidâmes de rentrer à la maison. Même sans Pappy et Heinz. Mutti alla récupérer les clés de l’appartement. Une fois devant, comme nous montions les marches, je fus frappée par l’impression de faire un retour dans le passé. Mutti mit la clé dans la serrure et ouvrit la porte : devant nous, le salon, silencieux, avec tous nos meubles. Les chaises étaient dans la même position que lorsque nous étions parties. Les rideaux pendaient aux fenêtres, attendant que quelqu’un les tire.

Je tendis la main et touchai la petite marque que Pappy avait faite lorsqu’il m’avait mesurée. Dehors, les mêmes bruits d’enfants qui jouaient.

Cette nuit-là, une voiture s’arrêta devant l’immeuble et j’entendis les portières claquer. J’étais certaine qu’il s’agissait de Pappy et Heinz qui rentraient à la maison. Mais les voix s’éloignèrent dans le noir, et je gardai une étrange nausée. Tout était sens dessus dessous.

Je finis par m’endormir, avec l’espoir de revoir mon père et mon frère et, pour la première fois depuis que nous avions quitté le camp, je rêvai des horreurs d’Auschwitz. Dans mon rêve, un trou noir sans fond apparaissait devant moi et il grandissait, grandissait, jusqu’à avaler le monde entier. Mes cris réveillèrent Mutti.

Dans les semaines qui suivirent, la vie reprit un semblant de normalité, même si tout avait changé.

Mutti et moi faisions tout ce que nous pouvions, tout ce qui nous passait par la tête pour essayer de savoir ce qui était arrivé à Pappy et Heinz, mais la situation était chaotique. Tout un chacun cherchait sa famille. Mutti fit même passer une petite annonce dans le journal, mais cela n’eut aucun résultat.

Devenue chef de famille, Mutti devait à présent subvenir seule à nos besoins et payer le loyer de l’appartement. Au cours des premiers mois, elle apprit, seule, à faire des ceintures avec les morceaux de cuir qui étaient restés à la maison. Souvent, je rentrais à la maison et trouvais le sol de l’appartement recouvert de bouts de cuir prêts à être cousus les uns aux autres.



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