Guerilla by Laurent Obertone

Guerilla by Laurent Obertone

Auteur:Laurent Obertone [Obertone, Laurent]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Ring
Publié: 2016-09-22T04:00:00+00:00


Dans le silence un peu consterné des présentateurs, une féministe radicale avait pris la parole.

« Femmes, nous devons faire un choix : soit nous sommes du côté des racistes, et nous continuons à accuser les itinérants de ce que les médias appellent des « violences », soit nous sommes du côté des itinérants, en ce cas nous devons nous émanciper, pour de vrai, en consentant à cet enrichissement qui nous tend les bras. Je vais le dire très franchement, mes sœurs, j’en ai assez de votre petite frilosité bourgeoise et coincée ! Assez de beaux discours ! Ouvrons nos cœurs et nos cuisses à l’Autre ! Voilà la véritable acceptation, le véritable geste d’amour ! La véritable révolution ! »

Après un moment de flottement, on donna la parole à un chercheur de Human Rights Watch, qui expliqua qu’au cours de ces trente dernières années, au moins huit faits « suspects » pouvaient s’apparenter à des bavures policières, ce qui lui semblait « considérable ».

Pour les experts, les attaques terroristes étaient officiellement « gestes de désespérés », et non plus de « déséquilibrés », autant de fous ne pouvant se manifester d’un seul coup. On parlait de « troubles de la conciliation », de citoyens « sous le choc », et du temps qu’il faudrait pour rabibocher la France enrichissante et poignardée, et l’autre, la salope décadente, oppressive et fermée. Jamais le désastre n’avait à ce point empli le petit écran.

C’était trop, pensa encore le colonel. Beaucoup trop. Les gens allaient réagir.

Il ne vit pas venir la contre-offensive…

Les « faits divers », tels le crash de l’Airbus, les viols et la mort du Président, furent évacués au profit d’une autre information. On parlait d’un « nouveau drame ». Un enfant avait été tué. Les images du petit corps, brandi à bout de bras par un homme barbu au-devant d’une foule vociférante, face à un hallier de caméras, tournaient déjà sur toutes les chaînes.

Nul ne saurait jamais comment était mort cet enfant. Pas un politicien n’osa lancer le débat sur le caractère douteux de cette scène, sur l’irresponsabilité de la famille, sur la folie de ce quartier, sur le cynisme d’une telle exposition.

Ce cadavre était un argument décisif. Était monstrueux quiconque ne se soumettait pas à cette image, discutait encore l’indiscutable culpabilité des flics et de la société. Déjà les réseaux sociaux rendaient l’oracle, repris par les médias, intimant à tous le « silence » face à « cette terrible tragédie qui doit nous faire honte ». « Qui osera encore la ramener après ça ? » demanda quelqu’un. Pas grand monde, en effet.

La seule version qui circula fut celle de la rue. L’enfant aurait été « exécuté » par des policiers. « Jeté du haut d’un immeuble ». Les journalistes, gênés, savaient ce que cette version avait de douteuse. Pour autant, pas un seul n’en appela à la prudence. Ils se taisaient. Ils avaient peur. On ne filmait plus que la rue, et la rue seule parlait. Le programme ne semblait pas devoir s’interrompre.



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