galaxie 52 by collectif

Auteur:collectif [Inconnu(e)]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2013-12-01T05:00:00+00:00

Ce n’est pas drôle de faire le même cauchemar répugnant toute la nuit, nuit après nuit. Et pourtant on en était là. Tout le monde était logé à la même enseigne. De l’aimable plaisanterie qu’il était au début, le cauchemar était en passe de devenir une menace universelle. Même les milliardaires de fraîche date qui avaient inondé le marché de leurs remèdes n’étaient pas satisfaits. Ils souffraient chaque fois qu’ils dormaient, ce qui en disait long sur l’efficacité des dits remèdes.

De grosses sommes étaient offertes à qui trouverait le moyen de guérir la population de ses phobies. Les décrets présidentiels succédaient aux édits dictatoriaux ; les militaires attaquaient le problème sous l’angle militaire, mais la forteresse était inexpugnable.

Puis une nuit une dame un peu sensible entendit une voix dans son rêve abject. C’était une voix répugnante de corbeau enroué. La voix disait : « Vous n’êtes pas en train de rêver. Ceci est votre véritable univers. Lorsque vous croirez vous éveiller, vous serez en train de rêver. Votre monde sans saveur n’est pas un véritable monde. Ce n’est qu’un songe. Le voilà, votre véritable univers. » La dame s’éveilla en hurlant. Et c’était la première fois qu’elle hurlait, car c’était une dame respectable.

Elle ne fut pas la seule à s’éveiller en hurlant ce jour-là. Il y en eut des centaines, puis des milliers, puis des millions. La voix parla à tous et tous se mirent à douter. Lequel des deux univers était le vrai ? Ils passaient maintenant presque autant de temps dans un monde que dans l’autre. Car les gens avaient besoin de plus en plus de sommeil, et la plupart en étaient arrivés à passer douze heures ou plus dans cet univers cauchemardesque.

« Pourquoi pas ? », tel était le titre d’une série d’articles publiés par ce même professeur Greathouse dont nous avons parlé plus haut. Pourquoi ce monde où la pluie verte tombait sans répit ne serait-il pas notre véritable monde ? Et si les phacochères étaient réels, disait-il ; si les gens étaient un rêve ? Peut-être était-il normal d’avoir des rats dans son estomac ; peut-être les autres méthodes de digestion devaient-elles être considérées comme chimériques.

C’est alors que fut diffusé sur tous les écrans de télévision du monde l’appel pathétique d’une éminente personnalité. C’était un appel à la raison collective. L’heure était, disait-il, à la décision. Il allait falloir se décider. L’équilibre des choses était trop précaire, il fallait faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

— « Car nous pouvons décider. Il n’est pas encore trop tard. Au nom de la raison, je vous implore de faire un choix, et de bien choisir. Demain, nous appartiendrons à un monde ou à l’autre. L’un est réel, l’autre n’est qu’un rêve. Pour le moment, les deux nous entourent et nous pouvons encore choisir. Mais de grâce écoutez-moi : quel que soit celui qui l’emportera, l’autre n’aura jamais été qu’un rêve, une folie passagère bien vite oubliée. Je vous en conjure, au nom de la raison

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