Fievre by Fievre

Fievre by Fievre

Auteur:Fievre [Fievre]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Nouvelles
Publié: 2012-01-01T03:35:42+00:00


Martin

Au cours des années qui suivirent sa naissance, les Torjmann avaient consacré tous leurs efforts et beaucoup d’argent à faire de leur fils une sorte de génie. Aujourd’hui, en dépit de tout, Martin Torjmann était à douze ans un assez beau spécimen d’hydrocéphale. Mais il y avait bien d’autres choses à dire, à ce propos. Beaucoup d’événements de toutes sortes, qui s’étaient plus ou moins harmonieusement combinés, qui avaient mûri, à l’intérieur de cette cuvette où se tenait la ville. Une chaleur profonde, notamment, une chaleur terrible, qui avait régné sur ces lieux pendant longtemps, jusqu’à modifier, au dire des vieilles gens, l’aspect intérieur des hommes et des bêtes. Une certaine lenteur, une certaine douceur s’étaient peu à peu substituées à la sécheresse d’avant ; les jeunes filles avaient maintenant des visages paisibles, aux larges pommettes, et de bizarres peaux bistres, pas du tout lumineuses, qu’on trouvait plutôt moites au toucher. Les enfants avaient je ne sais quoi de féroce, et de sage en même temps, et les hommes adultes se refusaient systématiquement au jeu. On prétendait que c’était là le résultat d’une implantation insidieuse de quelque peuplade étrangère, italienne, ou nord-africaine. Mais cela ressemblait plutôt à un changement de climat, à une métamorphose de la nature elle-même. Il pleuvait parfois, il faisait chaud. Quand le vent soufflait, c’était un vent de sud-est, un doux déplacement de kilomètres d’air, comme ça, tout d’un bloc, dans le genre d’une tempête calme.

Voilà : le H. L. M. s’étendait en demi-cercle à la lisière de la ville, au centre d’un terrain bétonné où passaient de temps en temps de petits nuages de poussière grise et sale. Le soleil frappait la face sud de l’immeuble, uniformément, et le ciment des murs luisait de quelque chose de gras et de blafard qui ressemblait à de la transpiration. Sur ce mur éclairé par le soleil d’après-midi, il y avait des fenêtres innombrables, régulières, ouvertes ; et de chacune de ces fenêtres s’échappait une série de sons qui se mélangeaient en zigzag à la rumeur de l’autoroute voisine. Pour quelqu’un qui se serait placé debout, au centre de la cour déserte, ces bruits auraient ressemblé à une espèce de grande étoile dont les rayons se seraient dardés dans toutes les directions, fixes et monotones. Rien n’aurait bougé, rien n’aurait changé. Tout ça aurait fait une explosion immobile, un centre de gravité autour duquel tout aurait été construit.

La musique d’accordéon des transistors, les odeurs d’ail et de friture, les scintillements et les fascinations, tout aurait abouti là, dans le domaine de la conserve, au centre, au point debout sur le sol nu de la cour, et on aurait pu en mourir écrasé, comme frappé à l’intérieur de son crâne par le moyeu vertigineux de l’insolation. Ou bien tout aurait fini par une sorte de grand cri, de cri unique et terrible, sorti tout droit d’une bouche ouverte, et se répercutant indéfiniment à travers les couloirs, heurtant les cloisons, fusant de haut en bas le long des vide-ordures et



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