Etudes sur Tchouang-Tseu by Billeter Jean-François

Etudes sur Tchouang-Tseu by Billeter Jean-François

Auteur:Billeter, Jean-François [Billeter, Jean-François]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2012-11-23T15:08:55+00:00


Conclusion provisoire

Au début du chapitre II, Tchouang-tseu a parlé de notre faculté de suspendre en nous l’activité intentionnelle et d’accéder à la vision. Dans la deuxième partie, il a opposé la grande connaissance, qui naît de la vision, et la petite, liée à la perception des choses que nous impose le langage. Il nous a engagés à voir l’action du langage pour cesser de subir son emprise et nous en servir librement. Dans la suite de la deuxième partie, que nous n’étudierons pas ici, il montre sous d’autres angles l’énigme du langage. Dans la troisième, il met en scène des sages qui usent souverainement du langage parce qu’ils en appréhendent exactement la nature. Dans la quatrième, il revient lui-même à la grande connaissance, c’est-à-dire à l’appréhension visionnaire de l’existence humaine. Telle est à peu près la progression qu’il suit dans ce chapitre.

Tchouang-tseu observe avec une acuité particulière l’apparition et la disparition du langage, c’est-à-dire le moment où nous entrons dans le régime du langage et celui où nous en sortons. Il est attentif au fait que notre rapport à la réalité change lors de ces passages [Il observe ces mêmes passages dans un texte bref que j’ai traduit et analysé dans Leçons, p. 25-28.]. Quand nous entrons dans le régime du langage, nous la concevons beaucoup plus que nous ne la voyons. Nous la concevons à travers les catégories du langage. Tant que nous parlons ou que nous écoutons quelqu’un parler (ou que nous raisonnons, en nous parlant à nous-mêmes), nous la percevons au mieux de façon hâtive et superficielle. Nous nous contentons de croire à la réalité des choses dont nous parlons [Quand nous parlons, nous sommes “réalistes”, au sens que la scolastique donnait à ce terme : nous tenons pour acquis que les mots et les propositions renvoient à des réalités qui existent indépendamment du langage.]. Quand nous quittons le régime du langage (sous l’effet d’une surprise, par exemple, ou d’une distraction subite, ou pour concentrer notre attention sur ce que nous ressentons), la réalité devient muette, vierge, gratuite, légère et instable – “musiques qui sortent du vide, vapeurs qui se condensent en concrétions éphémères” (1.4). En observant ces changements de régime, nous découvrons que la réalité n’a de formes stables et de structures définies que celles que lui prête notre langage. De sorte que, comme le dit Tchouang-tseu, “quand nous parlons, nous parlons de quelque chose, mais ce dont nous parlons n’est pas déterminé (en soi)” (2.1).

Il revient sur ce paradoxe dans un passage qui figure plus loin dans le chapitre :



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