Esthétique du cinéma by Chateau

Esthétique du cinéma by Chateau

Auteur:Chateau
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Armand Colin


3. LA CONTROVERSE SUR LE RÉALISME

On a parfois avancé que le cinéma (comme la photographie), en tant que mécanisme de reproduction du réel, recèle une propriété constitutive l'empêchant essentiellement d'accéder au domaine de l'art. Examinant une version simpliste de cette conception - soit : « le cinéma ne peut pas être un art puisqu'il ne fait que reproduire mécaniquement la réalité »13 -, Rudolf Arnheim avance deux arguments : d'une part, le fait que le film soit un moyen de reproduction mécanique n'empêche pas qu'il puisse fonctionner comme art ; d'autre part, le film n'est pas du tout un moyen de reproduction mécanique, puisque ce qu'il restitue de la réalité présente de nombreuses et importantes différences avec notre perception du monde réel. Reprenant la théorie de Bazin, Rohmer se fonde néanmoins sur le rejet du premier argument d'Arnheim pour exprimer une conception tout à l'opposite du second : « On nous rabâche que le cinéma est un art bien qu'il repose sur un mode mécanique de reproduction. J'affirmerai, tout au contraire : le pouvoir de reproduction exactement, bêtement, est du cinéma le plus sûr privilège14. » Le imode de représentation, dans cette optique, régresse à la reproduction et revendique néanmoins un pouvoir artistique...

Cette dispute met en évidence la dualité fondamentale de toute esthétique du cinéma, son rapport à la fois à l'esthétique générale (à son histoire, à son capital théorique) et à la particularité du médium cinématographique. Face à face deux spécificités : celle que recèle le concept général de l'art ; celle du médium, susceptible de donner lieu à l'existence d' un art. Tout médium n'est pas un art : « Une carte postale en couleurs, par exemple, n'est pas une œuvre d'art et n'en a pas l'ambition » souligne Arnheim. Aucun médium n'est un art par essence, mais chacun peut l'être sous certaines conditions ; il peut l'être occasionnellement, tels la photocopie dans le copy-art ou même le corps humain dans le body-art, ou de manière plus permanente, tels la peinture, la musique ou le cinéma. Permanent ne veut pas dire nécessaire : la marche ne revendique pas d'être de l'art, ou ne l'est que subsidiairement, quand elle a pour seule finalité d'accompagner la sortie des militaires (pour reprendre un exemple d' Arnheim) ; elle peut le devenir durablement, telle La Marche turque, lorsqu'elle est impliquée dans un projet artistique. On retrouve ces trois degrés au cinéma : il peut être utilisé sans aucune finalité artistique consciente ; il peut être « fait avec art », comme on dit, sans néanmoins revendiquer le statut d'art (le film « parfaitement bien fait et élégant et cependant [...] sans âme » pour faire parler Kant sur le cinéma15 !) ; il faut bien un projet artistique sous-jacent ou explicite pour qu'il accède à ce statut : prenant le genre « cinéma ethnographique » comme point de référence, Jean Rouch discerne deux attitudes de cinéaste à l'égard de l'information de terrain, « une position [...] "scientiste", selon laquelle les faits humains



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