Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie by Abbadie Arnauld d'

Douze ans de séjour dans la Haute-Éthiopie by Abbadie Arnauld d'

Auteur:Abbadie, Arnauld d' [Abbadie, Arnauld d']
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Géographie, Ethiopie, France
Éditeur: Asociial - FRBoarD
Publié: 2006-07-11T22:00:00+00:00


Plusieurs circonstances avaient prédisposé à cette panique. En causant, quelques jours auparavant, avec le Prince sur les moyens de réduire les pays Gallas, je lui dis qu'à sa place, des Européens construiraient un pont sur l'Abbaïe ou laisseraient en pays ennemi, durant l'hiver surtout, des troupes dans un camp retranché.

Ce dernier moyen lui ayant paru d'une efficacité certaine, pour réduire des populations qui mettaient toute leur confiance dans l'obstacle que l'Abbaïe oppose, durant plus de la moitié de l'année, aux communications de quelque importance avec le Gojam, il en parla à quelques chefs. Ceux-ci, craignant d'être chargés d'une pareille mission, objectèrent qu'on ne trouverait pas dans toute l'armée mille hommes qui voulussent accepter d'hiverner au milieu de païens, avec la perspective d'être privés, en cas de mort, d'une sépulture en terre chrétienne. Le Dedjazmatch renonça à regret à son dessein, mais il s'était déjà ébruité, et beaucoup des nôtres, redoutant le caractère entreprenant de leur chef, s'imaginèrent que le retard extraordinaire qu'il apportait à rentrer en Gojam, provenait de son désir secret de trouver l'Abbaïe infranchissable. Il en résulta que quand les timbaliers du Prince débouchèrent sur le franc-bord, l'armée qu'Ymer avait empêchée à grand'peine de commencer le passage, s'était attendue à leur voir prendre le gué; mais le Prince ayant dit qu'il traverserait le dernier, les timbaliers remontèrent un peu la berge, pour se mettre à l'ombre, et l'idée que le passage était remis s'était emparée comme un éclair de la multitude.

En atteignant la rive du Gojam, les fusiliers de l'avant-garde déchargèrent leurs armes; on en fit autant de notre côté, et la fusillade roula comme au début d'une bataille. Nous étions à l'époque où les fièvres, très-souvent mortelles, sévissent sur les bords de l'Abbaïe, comme dans beaucoup d'autres kouallas; et le commun des Éthiopiens prétend que les djinns, ministres ordinaires de cette maladie, s'enfuient au bruit des décharges et surtout à l'odeur du soufre, qui leur est antipathique. Cet axiome démonologique leur explique suffisamment le fait, admis du reste par beaucoup d'Européens, de l'assainissement par suite de la perturbation atmosphérique qui succède à des décharges d'artillerie. Beaucoup de soldats se traçaient une croix sur le front avec de la poudre délayée, afin d'éloigner sûrement les esprits malfaisants, tant par la vertu du soufre que par celle du symbole du christianisme. Un large courant d'hommes s'établit le long du gué; vers le milieu du fleuve, ils avaient de l'eau jusqu'au menton; et afin de n'être pas soulevés par le courant, plusieurs chargeaient leurs épaules d'un compagnon, d'une femme ou de bagages. Pour obvier à l'insuffisance du gué, les plus impatients se réunissaient par bandes de trois à quatre cents, et serrés les uns contre les autres, ils traversaient le fleuve un peu en amont, escortés par des files de nageurs. Le passage, commencé un peu avant midi, dura jusqu'à la nuit. À mesure que le jour baissait, les crocodiles multiplièrent leurs attaques; timides ordinairement quand les eaux sont claires, ils s'enhardissent lorsqu'elles sont limoneuses, et s'approchent alors de leurs victimes sans être vus.



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