Dilvish le by Roger Zelazny

Dilvish le by Roger Zelazny

Auteur:Roger Zelazny [Zelazny, Roger]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2014-06-10T18:03:46+00:00


Terres changeantes

À Stephen Gregg,

Stuart David Schiff

et Lin Carter,

qui, dans cet ordre,

ont rappelé Dilvish

des terres brumeuses ;

et à l’ombre de William Hope Hodgson

qui m’a accompagné dans ce voyage,

avec ses amis.

1

Les chaînes des sept prisonniers reliaient leurs menottes aux pitons plantés dans la pierre suintante des murs. Une unique lampe à pétrole brûlait d’une flamme maigrelette au fond d’une petite niche, à droite de la baie qui seule perçait ces murs épais, auxquels étaient accrochées çà et là d’autres menottes, inutilisées, attachées à d’autres chaînes. Le sol crasseux était jonché de paille. Il régnait une odeur forte, composite. Les captifs aux traits creusés, barbus, déguenillés et livides, ne quittaient pas la baie du regard.

Des formes éclatantes dansaient ou filaient en l’air devant eux, s’enfonçaient dans les murs, en ressortaient parfois un peu plus loin. Certaines étaient purement abstraites, d’autres ressemblaient à des produits de la nature – fleurs, serpents, feuilles, oiseaux –, au point d’en être souvent de véritables caricatures. Un tourbillon vert pâle naquit puis mourut dans un coin, au fond de la salle, laissant tomber à terre un nuage d’insectes. La paille s’anima aussitôt, grouillante des bestioles qui se précipitaient pour se repaître de cette manne. Un rire bas s’éleva dans la pièce voisine, suivi d’un pas irrégulier, de plus en plus proche.

Le jeune Hodgson, qui, plus propre et moins émacié, n’eût pas manqué de beauté, secoua la tête pour chasser de ses yeux ses longs cheveux bruns, s’humecta les lèvres et plongea un regard de feu dans les yeux bleus de son voisin de droite.

« Déjà…, murmura-t-il d’une voix rauque.

— Il y a plus longtemps que vous ne le pensez, répondit son interlocuteur, sinistre. Je crains que l’heure ne soit venue pour l’un d’eux. »

Un jeune blond se mit à gémir tout bas, plus loin sur leur droite. Deux autres prisonniers chuchotaient entre eux.

Une grande main griffue d’un gris pourpré apparut dans l’arche, cramponnée à l’encadrement. Le pas s’interrompit. Il y eut une longue inspiration, puis un gloussement grondant. Le chauve encore gras enchaîné à la gauche d’Hodgson poussa un cri haut perché.

Une imposante silhouette sombre se glissa dans la geôle, où ses yeux – le gauche, jaune, et le droit, rouge – capturèrent la lumière dansante de la lampe. La température déjà glaciale baissa encore, tandis que la créature s’engageait dans la salle d’une démarche chaloupée. Sa jambe gauche, dont le sabot claquait sur la pierre jonchée de paille, se pliait vers l’arrière ; le grand pied palmé de sa lourde jambe droite écailleuse s’écrasait sur le sol avec des « floc » sonores. Elle balançait de longs bras aux muscles épais qui pendaient jusqu’à terre, où elle traînait les griffes. La balafre ouverte dans son faciès quasi triangulaire s’élargit en une sorte de sourire, dévoilant une rangée de dents jaunâtres impressionnantes, pendant qu’elle passait les captifs en revue.

Lorsqu’elle se planta au centre de la pièce, une pluie de fleurs s’abattit sur elle, dont elle se débarrassa avec, peut-être, un certain agacement. Sa peau à l’aspect de cuir, semée d’écailles aux endroits les plus incongrus, ne portait pas le moindre poil.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.