Dernier été by Franz-Olivier Giesbert

Dernier été by Franz-Olivier Giesbert

Auteur:Franz-Olivier Giesbert [Giesbert, Franz-Olivier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2020-05-11T00:00:00+00:00


18

5e JOUR. Qu’est-ce que le virus allait changer ? Depuis le début de la canicule, les commerces étaient ouverts de six heures à neuf heures trente, le matin, puis de vingt heures à minuit. Le reste du temps, la ville était morte.

Le soleil commençait à se coucher dans son grand lit rose, au milieu d’éclaboussures vermillon, lorsque je suis sortie faire les courses. Au lieu de tout commander sur Amazon, même le papier toilette, j’aime voir, sinon toucher, ce que j’achète. Je suis allée chez mes copines des Pissenlits, l’épicerie paysanne de la rue Sainte, qui sent le potager, la chlorophylle, le foin mouillé, l’une des odeurs les plus merveilleuses que je connaisse.

Quand je suis sortie du magasin, le cabas plein de fraises, d’abricots, de courgettes et de biscottes, une jeune femme blonde, qui m’avait suivie, m’a abordée :

« Je me présente. Fanny, l’ex-femme d’Antoine Bradsock. Vous êtes la nouvelle ?

— Je ne sais pas, ai-je bredouillé. Notre histoire vient à peine de commencer.

— Mais ça me semble bien parti.

— Comment le savez-vous ?

— Une intuition. Je vous ai vus entrer ensemble à son domicile qui était encore le mien il y a six mois, et j’ai pensé que vous étiez son genre. Plus que moi. »

Fanny était belle, d’une beauté que les taches de rousseur et de vieillesse recouvrant son visage hâlé n’arrivaient pas à gâcher. Je dirais même qu’elles l’accentuaient en lui donnant quelque chose de sauvage.

L’erreur était la bouche. Un chirurgien esthétique l’avait affublée de deux saucisses qui se battaient en duel. Empêcher la catastrophe, l’éboulement général de la zone buccale, serait bientôt pour elle une occupation à plein temps.

« Il faut que je vous parle, a-t-elle dit. Il y a des choses que vous devez savoir. »

Nous sommes allées boire une grande bouteille d’eau plate non loin de là, au café de l’Abbaye où, à peine assise, elle m’a dit :

« Vous devez savoir qu’Antoine est un tordu, un pervers narcissique, un manipulateur né.

— Il est surtout très malade.

— Et vous le croyez, quand il vous dit qu’il l’est ? Il m’a aussi fait le coup.

— Parfois, il a l’air de souffrir beaucoup.

— C’est du cinéma.

— Il m’a dit qu’il n’en avait plus que pour quelques mois.

— C’est ce qu’il m’avait déclaré aussi, il y a trois ans, quand nous nous sommes rencontrés. Il avait en effet une leucémie, mais de type bénin. Ça se soigne. La preuve, il est toujours vivant.

— J’ai cru comprendre qu’on lui avait découvert depuis peu un cancer, en phase terminale.

— Méfiez-vous. On meurt rarement du cancer, de nos jours. Antoine affabule, il ment sans arrêt parce qu’il confond la réalité et le roman qu’il est en train d’écrire. Vous a-t-il dit aussi qu’il voulait tuer quelqu’un ? »

J’ai feint l’étonnement, une main devant la bouche.

« Eh bien, c’est la vérité, a-t-elle insisté.

— Mais qui ?

— Houellebecq.

— Mais non, voyons, c’était une blague et un projet de roman qu’il a abandonné. »

Elle a cherché dans son sac à main quelque chose qu’elle n’a pas trouvé.



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