de l'Egypte pharaonique by Dictionnaire

Auteur:Dictionnaire [Dictionnaire]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 225919091X
Éditeur: Plon
Publié: 2008-12-31T23:00:00+00:00

Le mythe détourné en source de distraction

Pour authentiques que soient les mythes utilisés dans un texte d’ordre littéraire, une fois mis en œuvre au service de l’intrigue, leur signification s’en trouve transformée. D’expressions théologiques d’un savoir sacré sur le monde, les voici ramenés à fournir des ressorts à un récit. Leur élaboration les détourne de leur fonction originelle en les exploitant pour le seul plaisir spécifique que distillent leurs potentialités de fiction et de narration. Si le récit se nourrit de leur enchaînement, sa dynamique procède de leurs apories et de leurs contradictions. Il n’y a d’histoire que parce que leurs mécanismes se grippent. Ne nous y trompons pas, dans le Jugement entre Horus et Seth, la manière dont les mythes sont mis en œuvre les tire vers la parodie. Les divinités se comportent dans le conte en pantins dérisoires, voire franchement ridicules. Leurs rapports qui, dans la vision religieuse, sont censés rendre compte du bon fonctionnement de la création déchoient dans des incertitudes et des dilemmes trivialement humains. Particulièrement significative l’aporie à laquelle vouent inéluctablement deux dispositions du droit positif réglant la dévolution de la fonction. S’opposent, en effet, d’une part la prétention du fils aîné ou unique, d’autre part la prétention du « frère-de-mère ».

Voilà donc un procès qui dure depuis quatre-vingts ans, qui n’en finit pas de finir, et pourtant, ce sont des agents divins qu’il implique, juges ou parties ! On perçoit une indéniable malice à souligner les incessantes fluctuations et palinodies de l’Ennéade. La mise en scène des dieux dans les affres de l’humaine condition produit burlesque et bouffonnerie, par exemple, l’anecdote où Hathor déride la morosité de Rê en lui montrant son sexe (voir Sexualité). Elle a une signification originelle clairement interprétable dans le cadre de la mythologie égyptienne : la déesse a parmi ses fonctions majeures celle de raviver l’énergie du dieu, laquelle tend à s’user au fur et mesure qu’il s’en sert, selon la tendance quasi « entropique » de la création. Dans l’œuvre, ce comportement est réutilisé habilement dans une double perspective. D’une part, dans une perspective de technique narrative, comme artifice assurant la poursuite de l’intrigue en provoquant le retour de Phrê-Horakhty au tribunal. D’autre part, dans une perspective plus large de divertissement littéraire, comme procédé provoquant, derrière l’amusement de Phrê, celui du lecteur par l’évocation d’une sexualité graveleuse. Tout cela participe d’une culture du rire, de la jubilation, et de la jouissance de la vie.

Cette culture du rire se manifeste par ailleurs, à la même époque, à travers les parodies animalières (voir Humour). Dans une perspective plus générale, les parodies animalières, le Papyrus érotique de Turin, le Jugement entre Horus et Seth, ont en commun de laisser affleurer une tendance assurément transculturelle – pensons au carnaval en Occident – selon laquelle, en de certains contextes – littérature – et à de certaines occasions – festivité – les règles, les hiérarchies, y compris la sacralité sont, sinon abolies, à tout le moins moquées, et prises comme prétextes à amusement, voire tournées en dérision ou en ridicule.

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