Dans les montagnes d'asie by Wilfred Thesiger

Auteur:Wilfred Thesiger [Thesiger, Wilfred]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Voyage
ISBN: 9782842301637
Publié: 2003-12-31T23:00:00+00:00

Nouristan I

1956

L’envie de me rendre au Nouristan m’avait pris en 1952, quand j’étais chez les Kafir dans le Chitral. Le gouvernement afghan n’accordait jamais sans difficulté la permission de se rendre dans cette région. Mais, plus tard, après mon voyage au Hazarajat, je reçus pendant l’été 1955 la permission tant attendue. Entre-temps, j’avais décidé d’un voyage au Maroc, dans le Haut Atlas. Mais je pris mes dispositions pour être au Nouristan au mois de juillet de l’année suivante.

Le Nouristan est une partie peu connue de l’Hindu Kush qui s’étend à l’intérieur de l’Afghanistan au nord de Jalalabad, le long de la frontière du Chitral. Peu d’Européens se sont rendus au Nouristan, contrairement à d’autres régions : le colonel Alexander Gardner, mercenaire de métier, traversa deux fois le Kafiristan – ou « Terre des incroyants », comme on l’appelait – en 1926 et 1928 ; en 1883, W.W. MacNair visita la vallée du Bashgul. Cette vallée fut explorée de façon plus complète en 1885 par le colonel Woodthorpe, de l’Indian Survey, service de cartographie de l’Inde, accompagné de sir William Lockhart. Il semble que ce furent les derniers Européens à se rendre dans ce pays jusqu’à sir George Scott Robertson, qui passa un an dans la vallée du Bashgul en 1889 et 1890, alors qu’il était agent britannique au Chitral. Le Nouristan – ou Kafiristan – était alors indépendant : en 1888, Kipling écrivit sur ce pays une vigoureuse nouvelle, L’homme qui voulut être roi.

En 1893, toutefois, sir Mortimer Durand parvint à un accord avec l’émir d’Afghanistan, Abd-er-Rahman, concernant la frontière indo-afghane. Selon les termes de cet accord, l’ex-Kafiristan revenait dans sa quasi-totalité à l’Afghanistan. Seule une petite région demeurait au Chitral, celle habitée jusqu’à aujourd’hui par les Kafir Noirs. Les autres Kafir furent convertis de force à l’islam quand Abd-er-Rahman envahit leur pays pendant l’hiver 1895-1896, grâce à une campagne habilement menée qui ne dura que quatre mois. Deux autres expéditions allemandes importantes sillonnèrent en tous sens le Nouristan en 1928 et 1935 ; puis, plus récemment, une expédition du Danemark : quand j’y allai en 1956, pour les Nouristanis tous les Européens étaient allemands.

L’origine des Nouristanis – qui appartiennent manifestement à la branche darde 4 de la famille indo-européenne – a fait l’objet de multiples débats. Certains spécialistes ont avancé qu’il s’agit de descendants de garnisons grecques laissées par Alexandre, quand ce demi-dieu a traversé le monde comme une comète, en descendant la vallée de l’Alingar. D’autres affirment que les ancêtres des Nouristanis étaient là il y a trois mille ans, longtemps avant Alexandre.

Après avoir visité dans le Chitral la vallée des Kafir Noirs, je m’étais procuré le livre de Robertson, The Kafirs of the Hindu Kush (1896). Il admire leur bravoure téméraire, leur résistance physique et leur hospitalité, mais il déplore qu’ils mettent un point d’honneur à tuer, qu’il s’agisse d’hommes, de femmes ou d’enfants. Il ajouta qu’« il leur est aussi naturel de voler que de manger », et que « leur avarice frise la maladie mentale ». Je remarquai que sa carte décrit de façon

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