Ciel d'acier by Michel Moutot

Ciel d'acier by Michel Moutot

Auteur:Michel Moutot [Moutot, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Française
ISBN: 9782363080714
Éditeur: Arléa
Publié: 2014-12-31T23:00:00+00:00


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Québec

avril 1907

Ce matin de fin avril à Kahnawake, Manish Rochelle et Robert LaLiberté bouclent leurs sacs. Pantalons de grosse toile, brodequins, chemises de laine, un pull-over, deux casquettes. Dans leurs sacoches à outils encore neuves – achetées chez Marquette, à Montréal –, de grosses clefs en alliage noir, un marteau de cinq livres, trois paires de gants épais montant jusqu’à mi-coude. Dans un étui de cuir, quatre raquettes de lacrosse, une dizaine de balles. Les deux cousins vont partir dans une heure, avec une trentaine d’autres, pour Québec. Ils retournent, en aval de l’autre grande ville de la province, sur le chantier du nouveau pont sur le Saint-Laurent. Ils ont été engagés au printemps 1905 sur le projet le plus grandiose et le plus prestigieux d’Amérique du Nord : un ouvrage géant, avec une portée libre en son milieu pour laisser passer les paquebots qui remontent ce que l’explorateur français Jacques Cartier a baptisé « la rivière du Canada ». Montréal a désormais deux ponts sur le fleuve. Québec rêvait depuis vingt ans de s’affranchir de cet obstacle et de relier par voie ferrée l’intérieur des terres aux grands ports libres de glaces en hiver. L’emplacement, entre deux falaises, était évident : en algonquin, Kebec signifie « là où le fleuve se rétrécit ». Lors d’un voyage à Paris, en 1891, le Premier ministre de la province, Honoré Mercier, les plans de la ville en main, a rencontré le célèbre ingénieur Gustave Eiffel, dont le cabinet a préconisé l’édification d’un pont en cantilever, sans aucune pile dans le lit du fleuve, à la fois parce qu’il est à cet endroit trop profond, et qu’il est impossible d’y restreindre la circulation maritime. Sur ces conseils, l’appel d’offres a été lancé, remporté par la Phoenix Bridge Company de Phoenixville, en Pennsylvanie. Il est prévu que l’ouvrage soit assez large pour permettre le passage de deux voies ferrées, deux voies de tramway et deux routes, en plus d’une passerelle pour piétons.

Sur les soixante-dix monteurs d’acier que compte la réserve à l’orée du XXe siècle, la moitié ont été embauchés sur ce chantier hors normes. Avant même l’achèvement, en 1886, du pont de la Canadian Pacific à Kahnawake, l’habileté, le courage et la force de travail des Mohawks étaient reconnus par tous.

« Je le savais, je l’avais deviné, je l’avais dit, se félicitait le contremaître Charles Dubois, premier à avoir autorisé Manish Rochelle, Robert LaLiberté puis les autres à monter sur l’ouvrage pour y travailler. Leur mettre des outils de riveteurs dans les mains, c’était comme réunir les œufs et le bacon. Ils étaient faits pour ça. Peut-être parce qu’ils sont indiens, on dirait qu’ils ne connaissent pas le vertige. Je ne sais pas d’où cela leur vient, mais ils étaient en quelques semaines aussi à l’aise sur le pont que les plus chevronnés de mes gars… Et bien moins exigeants. »

« C’est quand même marrant, ce truc de vertige, dit Manish à son ami quand ils se retrouvent dans la grande rue de Kahnawake, en route pour la gare où ils vont retrouver les autres.



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