Chroniques des Vampires 09 - Le Domaine Blackwood by Anne Rice

Auteur:Anne Rice [Rice,Anne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Bit-lit
ISBN: 9782259200127
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

XXI

À l’heure de l’entretien avec les psychiatres, Gobelin était redevenu mon double fidèle. Il n’arborait plus son air blasé, méprisant. Au contraire : lorsqu’il m’entoura de son bras, je vis bien qu’il avait peur.

En pénétrant dans la salle – accompagné de tante Reine et de lui – je me demandai un instant ce qui se passerait si je faisais réellement confiance à ces messieurs-dames, si je m’adressais à eux en toute sincérité. Seraient-ils capables de m’aider, non en me mijotant un quelconque diagnostic de psychiatrie mais en se colletant activement avec Rébecca, Gobelin et la panique qui m’avait conduit à l’ermitage ? Seraient-ils capables de participer à mes efforts pour lutter contre l’intrus ?

Cette trahison patente de mon double, fruit d’une peur toute neuve, me fit honte. Toutefois, comme il ne pouvait lire dans mon esprit malgré ses nouveaux talents, il n’en perçut pas le moindre signe.

Je demandai avec calme qu’on plaçât une chaise près de la mienne à son intention, je lui posai la main sur le genou et le sentis se détendre. Un coup d’œil à son profil me le montra fixant les psychiatres d’un regard glacé. Je les informai qu’ils avaient beau ne pas le voir, il n’en était pas moins installé à ma gauche, en face d’eux ; pas une de nos paroles ne lui échapperait.

Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que je ne devais rien attendre d’exceptionnel des médecins réunis pour l’occasion. L’examen consista surtout en une demi-heure de banalités.

Deux des hommes, des jeunes, sans doute des internes, se révélèrent aussi dépourvus de cœur que d’imagination. La seule femme, apparemment peu sûre d’elle, me sembla un peu trop désireuse de complaire à ses collègues. Quant au gros psychiatre aux traits épais qui présidait l’assemblée, il avait l’air en proie à la plus noire des dépressions.

Winn Mayfair, également présent, m’examinait dans un silence fort digne. C’était de loin le plus impressionnant du groupe.

Je racontai toute mon histoire avec une rapidité aride, sans rien cacher cependant sinon les détails les plus récents ou les plus intimes de ma relation érotique avec Gobelin. J’exaltai son héroïsme mais passai sous silence nos contacts sexuels. Lorsque je décrivis mon amourette avec Rébecca, l’enterrement de ses restes, les visites des techniciens de laboratoire du Mayfair Médical à l’ermitage en présence des agents du FBI, les médecins se tournèrent vers tante Reine, qui confirma sans se faire prier tout ce dont elle pouvait se porter garante.

« Vous savez sans doute qu’on n’a relevé aucune empreinte digitale dans la salle de bains où vous êtes censé avoir été agressé, me dit l’imposant meneur du groupe. Ni sur les murs, ni sur le lavabo, ni sur les éclats de verre qui ont été soumis à examen. »

Je l’ignorais. En être informé dans ces circonstances m’infligea une amère déception.

« L’intrus n’a touché que moi, répondis-je néanmoins avec calme, le feu aux joues. Le verre était en miettes.

— Vous savez aussi, j’imagine, que votre intendante, Ramona, n’a pas vu l’agresseur. Pas plus d’ailleurs qu’aucun des gardes en poste dans la propriété.

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