Chroniques d'Avonlea II by Lucy Maud Montgomery

Auteur:Lucy Maud Montgomery [Montgomery, Lucy Maud]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

A mesure que l'été s'écoulait, Mme Eben essayait de se résigner à la destruction de ses châteaux en Espagne. Elle grondait néanmoins Sara considérablement.

«Sara, pourquoi est-ce que tu n'aimes pas Lige? Je suis sûre que c'est un jeune homme modèle.»

«Je n'aime pas les garçons modèles, rétorqua Sara avec impatience. Et je crois vraiment que je déteste Lige Baxter. On me l'a toujours présenté comme un tel parangon de vertus. J'en ai assez d'entendre parler de ses perfections. Je les connais toutes par cœur. Il ne boit pas, ne fume pas, ne vole pas, ne ment pas, ne se met jamais en colère, ne jure pas et fréquente régulièrement l'église. Un être aussi parfait me tomberait certainement sur les nerfs. Non, non, tu devras trouver une autre maîtresse pour sa nouvelle maison à Newbridge, tante Louisa.»

Quand les pommiers qui avaient été roses et blancs en juin prirent en octobre une teinte rousse et ocrée, Mme Eben organisa une réunion de courtepointe. La courtepointe en question était du modèle «Etoile du soir», que les dames d'Avonlea considéraient comme ravissant. Mme Eben avait eu l'intention de la mettre dans le «trousseau» de Sara et, tout en assemblant les losanges rouges et blancs, elle s'était régalé l'esprit en l'imaginant étalée sur le lit de la chambre d'ami dans la nouvelle maison de Newbridge et en se voyant en train d'y poser son bonnet et son châle quand elle rendrait visite à Sara. Ces visions éblouissantes avaient perdu leur éclat à l'époque des pommiers en fleurs et Mme Eben avait à peine eu le cœur de finir la courtepointe.

La réunion se tint un samedi après-midi, car Sara n'enseignait pas ce jour-là. Toutes les meilleures amies de Mme Eben étaient installées autour de la courtepointe et les langues allaient bon train. Sara entrait et sortait, donnant un coup de main à sa tante pour les préparatifs du souper. Elle se trouvait dans la pièce, en train de sortir de l'étagère les plats de crème caramel, quand Mme George Pye fit son entrée.

Mme George avait le don d'être toujours en retard. Elle était pourtant ce jour-là plus en retard que d'habitude et elle avait l'air survoltée. Toutes les femmes présentes autour de la courtepointe comprirent que Mme George avait des nouvelles dignes d'intérêt. Un silence fébrile tomba donc sur la pièce pendant qu'elle tirait sa chaise et s'installait à la courtepointe.

C'était une grande femme maigre avec un long visage pâle et des yeux d'un vert liquide. Elle regardait le cercle avec l'air d'un chat se pourléchant devant une bouchée de choix.

«Je suppose, commença-t-elle, que vous connaissez la nouvelle?»

Elle savait parfaitement que non. Toutes arrêtèrent de coudre. Mme Eben arriva à la porte, un plateau de galettes gonflées et fumantes à la main. Sara cessa de compter les plats et tourna son visage au teint vermeil par-dessus son épaule. Même le chat noir, à ses pieds, arrêta de lisser sa fourrure. Mme George sentit que tout l'auditoire était suspendu à ses lèvres.

«Les frères Baxter ont fait faillite, annonça-t-elle, ses yeux verts lançant des étincelles.

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