Bob Morane T055 Le Club des Longs Couteaux by Vernes Henri

Auteur:Vernes, Henri [Vernes, Henri]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Aventure
Éditeur: Marabout
Publié: 2012-06-15T22:00:00+00:00

Chapitre IX

Bien que la nuit fût fort avancée déjà et que beaucoup de quartiers de la grande cité californienne fussent depuis longtemps endormis, China Town demeurait animée, avec ses enseignes lumineuses, toutes en caractères chinois, ses banderoles flottant au vent, ses cinémas ouverts jour et nuit, ses restaurants où l’on peut déguster des œufs presque aussi vieux que des momies égyptiennes, mais bien plus pourris, ses boutiques où l’on vend au kilo les billets de loteries, nationale et autres, ses théâtres d’où s’échappent les voix de rongeurs des chanteuses du cru. Partout domine le rouge et le jaune, qui sont les couleurs favorites de Bouddha. Quant aux gens – asiatiques pour la plupart – qui se pressent à travers les rues étroites, sous les lampions de couleurs suspendus à des fils, ils semblent n’aller nulle part. On les dirait nés d’un coup de vent, et prêts à disparaître dans un coup de vent. Et il y a aussi des Blancs, marins en goguette ou touristes attardés, à la recherche de sensationnel. Et puis des ombres sans visages, qui se glissent dans les artères les plus obscures, comme à la recherche de quelque inavouable fatalité.

Tamarin Street était une de ces rues obscures, piquée seulement par endroits de la luciole craintive, rouge ou jaunâtre, d’une lanterne de papier, zébrée par l’idéogramme fulgurant d’une enseigne au néon qui s’allumait et s’éteignait, comme commandée par les pulsations d’un cœur. Ailleurs, les ténèbres régnaient, dans lesquelles parfois glissait un pas furtif, apparaissait un visage blafard qui, aussitôt, se rendait au néant.

À pas lent, Morane avançait le long de la rue, à l’entrée de laquelle il s’était fait déposer par un taxi. Sans en avoir l’air, il regardait autour de lui, s’attendant à tout moment à tomber dans un traquenard. Dans la ceinture de son pantalon, sous la veste, il avait glissé le gros automatique laissé par l’homme-montagne, mais cela ne le rassurait qu’à demi. Assez loin derrière lui, sur l’autre trottoir, Bill, vêtu en clochard, un chapeau cabossé dissimulant sa toison rousse, le suivait en imitant la démarche chancelante d’un homme ivre. Dans de telles circonstances, Morane aurait dû se sentir en confiance mais, dans la poche gauche de sa veste, il avait l’Anneau du Sang et du Dragon, pour la possession duquel on avait déjà tué, et pour lequel on tuerait encore. C’était un peu comme s’il avait eu sur lui une grenade amorcée qui pouvait exploser à tout moment.

À présent, Bob comptait les numéros. Finalement, il s’immobilisa devant le 162, une étroite boutique sur la vitrine de laquelle ces simples mots, avec leur traduction chinoise, étaient peints en lettres rouges :

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