Beowulf Au Paradis by Alban Gautier

Beowulf Au Paradis by Alban Gautier

Auteur:Alban Gautier [Alban Gautier]
La langue: fra
Format: epub
Tags: histoire, paganisme, Moyen Âge, Europe du Nord, christianisme, damnation, auteurs chrétiens, poème anglo-saxon, salut des âmes, histoire héroïque, bon païens
ISBN: 9791035101336
Éditeur: Éditions de la Sorbonne
Publié: 2019-08-02T07:38:07+00:00


S’entendre avec des païens : réflexions sur la fides

S’il est vrai que les pagani « danois » étaient les ennemis par excellence d’Alfred et de ses Ouest-Saxons, ils n’étaient pas toujours en guerre les uns contre les autres. Pour de multiples raisons, un état de guerre permanent n’aurait pas été possible : des trêves devaient régulièrement être conclues afin que chaque camp pût refaire ses forces, racheter ses prisonniers et enterrer ses morts ; la mauvaise saison, qui limitait l’approvisionnement et les déplacements, obligeait les troupes à maintenir au minimum une paix hostile et méfiante ; il pouvait arriver que, dans le contexte général d’affrontement, des coopérations ponctuelles soient profitables aux deux camps ; enfin, quand un des adversaires connaissait la défaite, il lui fallait bien se soumettre aux conditions du vainqueur et conclure avec lui un accord, quitte à le remettre en cause une fois les plaies pansées et les forces reconstituées. Il ne s’agira pas ici de revenir sur les formes paradoxales de « coopétition » – mélange de coopération et de compétition – entre Alfred et les bandes vikings présentes en Angleterre au début de son règne22, mais de m’interroger (en particulier à partir des travaux de Richard Abels et de Pierre Bauduin23) sur les conditions de possibilité de telles ententes, même ponctuelles et fragiles, entre un prince chrétien et des chefs païens. Pour « faire la paix » avec des païens, et même en amont pour négocier avec eux et tenter de conclure un accord – ne serait-ce que pour racheter leurs prisonniers, enterrer leurs morts et tout simplement échanger des plénipotentiaires –, les dirigeants chrétiens devaient en effet avoir un minimum « confiance » en la parole des païens, croire en leur « bonne foi » et les estimer capables de rester « fidèles » à la parole donnée. Or dans la société chrétienne du haut Moyen ge, toutes les notions mises entre guillemets dans la phrase précédente ressortissent à un concept crucial, d’essence religieuse mais en même temps profondément social : celui de fides.

La question de la fides des païens est donc capitale pour mon propos, et ce pour deux raisons. D’abord, dans un grand nombre de cas, les parties en présence devaient échanger des serments. Or cette pratique, qu’on a pu décrire comme au centre du système social de la chrétienté latine du haut Moyen ge, et en particulier centrale pour le règlement des conflits, était ordinairement fondée dans le sacré chrétien : on jurait sur un évangéliaire, sur des reliques, etc. Par conséquent, elle ne pouvait que causer des difficultés quand il s’agissait de s’entendre avec des païens dont le sacré avait des formes et des fondements différents. Par ailleurs, si les païens ont pu, comme on l’a vu, être crédités de vertus cardinales comme la fortitudo (pensons à Æthelfrith, rex fortissimus chez Bède), la iustitia (voir Trajan, dont la justice à l’égard de la veuve suscite l’intercession de Grégoire le Grand), voire la prudentia (pensons aux sages législateurs de l’Irlande), il en est a priori tout autrement pour la vertu théologale de fides.



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