Anne tome 6 : Anne d'Ingleside by Lucy Maud Montgomery

Auteur:Lucy Maud Montgomery [Montgomery, Lucy Maud]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Juvenile Fiction, General
ISBN: 9782381960678
Google: sJWcEAAAQBAJ
Amazon: 2381960678
Éditeur: LOUVERTURE
Publié: 2022-11-22T23:00:00+00:00

CHAPITRE XXVI

Ce fut la vie, et non la mort, qui s’invita à Ingleside à l’heure la plus spectrale de la nuit. Les enfants, enfin endormis, durent sentir même dans leur sommeil que l’Ombre s’était retirée aussi silencieuse et rapide qu’elle était venue. Car à leur réveil, au matin obscurci par une pluie bienvenue, il y avait du soleil dans leurs yeux. Ils n’eurent guère besoin d’apprendre la bonne nouvelle par une Susan qui avait rajeuni de dix ans. La crise était passée et Mère vivrait.

C’était un samedi, il n’y avait donc pas école. Ils ne pouvaient pas jouer dehors, même s’ils adoraient être sous la pluie. Ce déluge était trop pour eux, et ils ne devaient pas faire de bruit à l’intérieur. Mais ils n’avaient jamais été aussi heureux. Papa, qui n’avait quasiment pas dormi de la semaine, s’était jeté sur le lit de la chambre d’amis pour un long sommeil réparateur, mais pas avant d’avoir envoyé un message longue distance à une maison mansardée d’Avonlea où deux vieilles dames tremblaient chaque fois que le téléphone sonnait.

Susan, qui n’avait pas le cœur ces derniers temps à préparer des desserts, concocta un magnifique « soufflé à l’orange » pour le déjeuner, promit un roulé à la confiture pour le dîner et fit deux fournées de cookies au caramel. Monsieur Rouge-gorge pépiait dans toute la maison. Même les chaises semblaient avoir envie de danser. Les fleurs dans le jardin redressèrent bravement la tête à mesure que la terre sèche recevait la pluie. Et Nan, dans son bonheur, essayait d’assumer les conséquences de son marché avec Dieu.

Pas un instant elle ne songea à revenir dessus, mais elle ne cessait de repousser, dans l’espoir de rassembler un peu plus de courage. Le simple fait d’y penser lui « glaçait le sang », comme Amy Taylor aimait tant dire. Susan savait que quelque chose n’allait pas chez cette enfant et lui donna de l’huile de ricin, sans amélioration visible. Nan avala la cuillérée sans mot dire, même si elle ne pouvait s’empêcher de penser que Susan lui en donnait bien plus souvent depuis le précédent marché. Mais qu’était-ce comparé à un tour de cimetière la nuit ? Nan ne voyait tout simplement pas comment elle allait le faire. Mais elle le devait.

Mère était encore si faible que personne n’avait le droit de la voir hormis brièvement. Et elle paraissait si pâle et maigre. Était-ce parce qu’elle, Nan, ne tenait pas sa part du marché ?

« Il faut lui donner du temps », dit Susan.

Comment peut-on « donner » du temps à quelqu’un, se demanda Nan. Mais elle, elle savait pourquoi Mère ne guérissait pas plus vite. Elle serra ses petites dents nacrées. Le lendemain était de nouveau un samedi, et le soir elle ferait ce qu’elle avait promis de faire.

Il plut toute la matinée et elle ne put s’empêcher d’être soulagée. S’il pleuvait la nuit suivante, personne, pas même Dieu, ne pouvait escompter qu’elle aille rôder dans un cimetière. À midi, la pluie avait cessé, mais un brouillard monta sur la baie et sur Glen, enveloppant Ingleside de sa magie surnaturelle.

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