Afterworlds by Scott Westerfeld

Auteur:Scott Westerfeld [Westerfeld, Scott]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman jeunesse à partir de 12 ans
Éditeur: Pocket Jeunesse
Publié: 2015-03-15T00:00:00+00:00

Ç’a été notre plus long trajet sur le Vaitarna jusque-là, le plus étrange et le plus varié. Le fleuve a d’abord été furieux, avec des bribes de souvenirs égarés pareilles à mille doigts glacés qui nous frôlaient dans le noir. Mais il s’est apaisé et nous avons dérivé, portés par un courant aussi calme et lent qu’une mer étale.

Yama et moi sommes arrivés sur une plage de sable blanc semée de petits galets. Le rivage s’étendait dans les deux directions, s’incurvant pour former un vaste lagon circulaire. J’entendais des rouleaux se briser au loin, mais devant nous la mer venait mourir tranquillement sur le sable. Un vent chaud a fait danser mes cheveux et onduler la chemise de Yama.

— On est où, là ?

— Sur une île.

Je l’ai regardé.

— Tu pourrais être un peu plus précis ?

— Sur un atoll, précisément.

Il m’a souri, à croire que ça l’amusait de ne pas me donner plus de renseignements que d’habitude.

J’ai levé les yeux vers le ciel nocturne. On ne voyait nulle trace de l’aube, donc nous ne devions pas être trop éloignés du fuseau horaire de la Californie. Mais je ne reconnaissais aucune étoile.

— Dans le Pacifique, c’est ça ?

Yama a hoché la tête.

— Aussi loin de tout qu’il est possible d’aller.

— C’est… sympa, ai-je dit, même si l’atoll n’avait rien d’un paradis tropical.

Ni palmier, ni herbe, ni fleurs au sommet de la plage, rien que de la rocaille et des arbustes rabougris dont les feuilles frémissaient dans le vent.

— On s’y habitue, a dit Yama, m’entraînant à l’écart de la plage.

Il y avait des oiseaux marins nichés partout, et des lézards longs comme le doigt qui détalaient sous nos pas. Nous avons grimpé jusqu’à une crête et sommes redescendus vers la mer. L’île tout entière ressemblait à une bouée de sauvetage, avec le lagon immobile au milieu et l’océan impétueux autour.

Des vagues énormes se fracassaient sous nos yeux, sombres et menaçantes. Elles paraissaient assez grosses pour nous engloutir, et emporter l’atoll avec. C’était vraiment un endroit désolé.

— Tu entends ? m’a demandé Yama.

J’ai tendu l’oreille. Dans l’atmosphère feutrée de l’envers du décor, le grondement des vagues m’ébranlait jusqu’aux os. Seuls quelques piaillements d’oiseaux marins venaient s’y mêler par instants.

— Que suis-je censée entendre ?

— Le silence. Pas la moindre voix.

Je me suis tournée vers Yama. Il avait les yeux clos, et toute préoccupation avait disparu de son visage. J’ai tendu le bras pour suivre le contour de son sourcil du bout des doigts. Il a souri et m’a pris la main.

— Je n’entends que les vagues et les oiseaux, ai-je dit.

— Exactement.

Il a ouvert les yeux. Je ne l’avais encore jamais vu aussi heureux.

— Personne n’est jamais mort sur cette île.

J’ai promené mon regard vers le sol rocailleux et l’horizon désert tout autour.

— C’est sûrement parce que personne n’a jamais vécu ici ?

— Je suppose que oui. En tout cas le résultat est le même – le silence.

— Attends une minute. Ça veut dire que tu peux entendre les morts ?

— Toujours.

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