6 - Le Temps des secrets by Un livre Un film

6 - Le Temps des secrets by Un livre Un film

Auteur:Un livre Un film [film, Un livre Un]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


* *

Lorsque l'infâme Paul se mit à ronfler sur son avant-bras replié (tandis que mon père terminait la description du loriot dentirostre) je le pris dans mes bras, je l'emportai dans notre chambre et je le mis dans son lit sans qu'il eût repris connais- sance; puis je me déshabillai à mon tour. Cependant, il me sembla que la conversation sous le figuier marchait bon train. J'ouvris tout doucement la fenêtre, et j'écoutai : mais ils parlaient à voix basse, et je ne pus saisir au passage que des lambeaux de phrase : — « Bien vilaine mentalité... » « Déjà aussi bête qu'un homme... », « grimacière », « polichinelle », « istéric ».

Soudain, la voix claire de la tante Rose perça ces murmures. « Je l'ai vue à la messe avec ses parents. Elle est assez mi- gnonne, mais elle a l'air prétentieuse et sournoise ! — C'est bien possible, dit l'oncle Jules de sa voix naturelle, mais ce n'est tout de même pas un drame ! — Bien sûr ! répondit Joseph. Mais je refuse d'admettre que mon fils fasse le guignol pour amuser la fille d'un poivrot. » Sur quoi, sans attendre la suite, je refermai sans bruit la fenêtre, je me glissai dans mes draps, et je fis mon bilan. La situation était particulièrement grave, et surtout au point de vue moral : j'étais désespéré par l'hostilité soudaine de toute ma famille, et je me sentais aussi abandonné que Robinson. Pourtant, je n'en voulais à personne.

Paul et Lili m'avaient trahi : mais ils n'étaient inspirés que par la jalousie, c'est-à-dire par leur amour pour moi. C'était évidemment pardonnable.

Mon cher oncle Jules m'avait blâmé, avec une indulgence affectueuse, malheureusement gâtée par quelques railleries. Ma tante Rose avait bien cruellement jugé Isabelle, mais elle n'avait rien dit contre moi.

Ma mère avait été injuste, et presque furieuse : c'était tout simplement par vanité maternelle. J'étais certain qu'elle eût ri de joie et de fierté si on lui avait dit que j'avais forcé Isabelle à croquer des araignées crues, ou des beignets de vers luisants.

Enfin, mon père avait soudain montré son austère visage

des grandes circonstances, et il avait prononcé son arrêt, en toute ignorance de la vérité.

Car c'était là le grand point : leur erreur à tous c'était de n'avoir pas compris la force d'un sentiment unique au monde, et qu'ils n'avaient certainement jamais éprouvé puisqu'il n'y avait qu'une seule Isabelle, et qu'ils ne la connaissaient pas ! Ils ne pouvaient donc pas savoir qu'elle ne ressemblait à personne. La tante Rose ne l'avait vue que de loin, et à la messe, où il est défendu de rire, et Lili, qui parlait d'elle si brutalement, n'était qu'un petit paysan. Si elle avait daigné lui dire un seul mot, il aurait, lui aussi, couru à quatre pattes en croquant des sauterelles, ou peut-être des cafards. Il se serait laissé noircir du haut en bas, et il aurait dormi en souriant, à cause d'un ruban vert autour de son cou...

Le ton



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