35 Charles VI by Les Rois de France

35 Charles VI by Les Rois de France

Auteur:Les Rois de France [France, Les Rois de]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Pygmalion
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


II

Jean sans Peur

Jean, comte de Nevers, fils aîné de Philippe le Hardi, lui succéda. Il avait trente-quatre ans et une solide expérience des affaires, Philippe l’ayant associé à toutes ses entreprises. Cousin germain de Louis d’Orléans, il était presque son contraire, physiquement et moralement. Il avait une grosse tête, aux traits vigoureux mais disgracieux, sur un corps assez courtaud. Dédaignant l’élégance, il portait parfois des vêtements élimés. Sans éloquence, il savait néanmoins parler aux petites gens et s’en faire aimer. Ses talents de démagogue dépassaient ceux de son père. Intelligent et réaliste, il avait cependant un esprit sombre et tourmenté. Aimant les siens, aimé de ceux-ci, il menait une existence régulière, presque bourgeoise. Il n’avait qu’un point commun avec le duc d’Orléans : l’ambition. Et il lui tardait de succéder à son père dans le gouvernement du royaume. Mais Philippe était l’oncle de Charles VI, alors qu’il n’était que son cousin. Il n’avait pas non plus la puissance et les moyens paternels. Certes Philippe avait agrandi ses possessions, mais il laissait une situation financière obérée. En outre Jean sans Peur n’héritait que du duché de Bourgogne, sa mère restant comtesse de Flandre et d’Artois et comtesse de Bourgogne[1]. De surcroît, Louis d’Orléans venait de réduire à presque rien les subsides que Charles VI accordait au défunt duc. Jean sans Peur se trouvait donc dans une position momentanément difficile : il lui fallait régler la succession, payer les dettes de son père et désintéresser ses frères.

Louis d’Orléans croyait lui avoir rogné les ailes. Mais Jean sans Peur savait attendre et dissimuler. En tant que premier pair du royaume, on ne pouvait l’exclure du Conseil royal. Il s’abstint d’y paraître. Tout autre que Louis d’Orléans se fût inquiété de cette abstention. Jean sans Peur, bien renseigné par ses espions et par ses informateurs, préparait sa revanche. Il y avait en lui, dans sa laideur comme dans sa mentalité, quelque ressemblance avec ce que sera Louis XI. On l’a parfois taxé d’impulsivité. On a dit qu’il se décidait par à-coups. C’est qu’il prenait le temps de mûrir ses projets et réfléchissait longuement. Son absence de morgue lui attirait des amis. Avant de redevenir assez puissant pour agir, il était déjà populaire. Les Parisiens se souvenaient avec regret de son père. Devant le comportement de Louis d’Orléans, ils souhaitaient ardemment que le nouveau duc de Bourgogne se manifestât et, comme son père l’avait fait, prît la défense des contribuables. Jean sans Peur pouvait donc d’ores et déjà faire fond sur leur soutien. Ses agents travaillaient d’ailleurs pour lui dans les quartiers de Paris ; ils critiquaient le gouvernement, répandaient de fausses nouvelles, jetaient même le doute sur les rapports de la reine Isabeau et de Louis d’Orléans, gémissaient sur l’état d’abandon et le dénuement du malheureux roi. La calomnie, comme il est de règle, progressait.

Jean sans Peur laissa son rival gouverner seul le royaume pendant un an et Louis d’Orléans, dont la défiance n’était pas la qualité majeure, vivait dans cette fausse sécurité. Il est même peu de dire qu’il abusait de la situation, se croyant tout permis.



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