3087 by Adam Saint-Moore

Auteur:Adam Saint-Moore [Saint-Moore, Adam]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: FNA 0987
Publié: 1980-01-01T12:14:44+00:00

CHAPITRE VI

— C’est une ferme d’État, expliqua Louma, quand le stator, quittant les zones arides où elles roulaient depuis la grande chaleur, s’enfonça dans d’immenses champs de maïs, coupés de canaux d’irrigation.

Les champs s’étendaient à perte de vue. Mouira n’en croyait pas ses yeux. Elle n’avait jamais vu des étendues aussi vastes. Les champs, dans la Montagne Bleue, étaient très limités et pentus. Ici, ils ressemblaient à une mer sans rivage.

— Il y en a plusieurs par district, expliqua Louma. Plus ou moins grandes. Il peut y avoir jusqu’à trois mille Etis qui travaillent dans certaines fermes. Tiens ! En voilà une équipe…

Mouira écarquilla les yeux en regardant par les ouvertures des auvents les hommes qui se relevaient pour regarder passer le stator. Ils étaient tous vêtus de la même façon, d’une sorte de tunique de toile grossière. La plupart étaient pieds nus. Ils tenaient des bêches et des pelles. Ils étaient une dizaine, le long de la route, en train de curer les fossés. Tous levaient vers la Machine la même face inexpressive et les mêmes yeux vides.

— Ils sont malades ? demanda Mouira.

La Noire se mit à rire.

— Malades ? Non ! Ils sont en très bonne santé, bien nourris et bien traités. Ce sont de bons Etis, bien conditionnés et bien dressés, au contraire !

— Conditionnés ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

— Bien élevés, si tu préfères. Obtenir de bons Etis est un simple travail de conditionnement et d’élevage. Nous avons très peu de déchets et de ratés, depuis que l’ORSELEP applique les techniques de la Nouvelle Biologie dans les élevages et les camps de conditionnement. Il y a vraiment très peu d’échecs et de déchets. Oui, très peu de révoltés et d’inaptes qui posent des problèmes graves.

Mouira regardait défiler les visages morts des Etis. Elle éprouvait une sensation singulière à la vue de ces hommes immobiles. Puis une femme en uniforme gris, qui tenait un long fouet enroulé à la main, s’approcha au pas de son cheval.

— Allez ! Vous autres, au boulot ! cria-t-elle. On n’est pas là pour regarder passer les stators !

Elle fit claquer son fouet, débonnairement, et les Etis, docilement, se remirent au travail.

— Mais ceux qui sont inaptes ou dangereux, qu’est-ce qu’on en fait ? demanda Mouira.

— C’est l’OFHY qui s’en charge, dit Louma. Il les dirige vers les camps de reconditionnement définitif. On appelle ces camps spéciaux des fosses. C’est là que les Examinatrices traitent les irrécupérables, après qu’ils aient rendu quelques services à la science.

— Des services ? Quels services ? demanda Mouira.

— Oh ! Des expériences médicales, des histoires auxquelles tu ne comprendrais rien, ni moi non plus, d’ailleurs ! ajouta-t-elle en riant.

Le stator, maintenant, roulait sur une large route bétonnée. Certaines de ces routes dataient des temps de la Vieille Civilisation technicienne. Le monde entier, et tous les continents, étaient parcourus de ces larges voies qu’on appelait spatioroutes, et selon les documents de ce temps, des millions et des millions de véhicules téléguidés par des rails magnétiques roulaient, nuit et jour, sur ces rubans de béton.

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