2- Le mouton noir by Auteur inconnu

Auteur:Auteur inconnu
La langue: fra
Format: epub

On organisa le départ en vitesse. Fernand aurait préféré que sa femme et le bébé fussent restés à la maison, mais sa mère réclamait la présence de sa bru. Quant à Mathias, il était tout heureux à l’idée de passer quelque temps auprès de son ami. À la toute dernière minute, il pensa à Caruso. Il s’installa sur la banquette arrière, tenant précautionneusement sur ses genoux la cage de l’oiseau.

Au moment de fermer la portière, Fernand regarda sa femme, hésita, sortit de l’auto.

— Attends-moi. J’en ai pour deux minutes.

Il entra, téléphona à son beau-père et lui expliqua la situation.

— Merci de m’avoir prévenu, Fernand. Vous vivez un mauvais quart d’heure. J’espère que tout s’arrangera pour le mieux. Dès le retour d’Alice, je passerai chez Gratton et ramènerai Mathias à la maison.

On fit un détour pour déposer Mathias à l’école, après s’être arrêtés chez Gratton. L’enfant y avait déposé ses bagages et posé la cage sur le piano. Une fois qu’ils furent seuls, Fernand fit part à Yvonne de la conversation qu’il avait eue avec son père.

— Voilà qui me rassure. Papa n’a rien dit d’autre?

— Tu le connais, toujours stoïque, jamais pris au dépourvu. Il sait se faire réconfortant. Nous allons filer hors de la ville et tu installeras Jean sur la banquette arrière. Ce sera moins fatigant pour toi. Les prochains jours risquent d’être pénibles.

Un lourd silence tomba. Les têtes des arbres s’embrasaient lentement. Bientôt, ce serait l’hiver. Yvonne frissonna : c’était le mois des morts.

***

Lorsqu’il raccrocha, Onésime se mit à danser et à chanter. On lui confiait Mathias. Les Gagnon l’appelaient à leur secours. Quelle victoire! Il aurait son fils bien à lui, tout pour lui. Enfin, l’occasion de cimenter les liens, de se mieux connaître. « Fiacre! ». Les mots de Fernand lui revenaient en mémoire : « Ici, Fernand Robichaud, le père d’un de vos élèves, Mathias. » le sang lui monta au visage. C’était lui, Onésime, le père de Mathias. Ni Robichaud, ni Jean-Baptiste. Nul autre que lui. Quoi? Son enfant aurait, comme lui autrefois, à se questionner pour savoir lequel de ses pères était le vrai? Fiacre! Jamais! La colère prenait place à la joie. Il fulminait.

Soudain, il se ressaisi : « Qu’est-ce que je fais ici? Le crotté s’en vient avec son idiote et je me pavane en ruminant. » Il jeta un coup d’œil autour de lui. C’était sens dessus dessous : « Tant pis, ça fait plus normal, plus naturel comme ça ».

Il sortit, s’assura que la porte n’était pas verrouillée, traversa la rue au pas de course, et se rendit à son poste d’observation. Il vit Fernand qui aidait Yvonne à s’installer sur la banquette avant. « Comment un homme peut-il faire pour vivre avec une pareille andouille? » Jean-Baptiste ne paraissait pas être du groupe. Ça lui semblait étrange!

La voiture s’engagea, tourna le coin de sa, rue. Onésime revint vite sur ses pas. L’automobile était là, garée devant sa maison. Il n’avait donc pas rêvé, c’était vrai. Mathias serait à lui, bien à lui.

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