Urgence sanitaire by Eric Caumes

Auteur:Eric Caumes [Caumes, Eric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, Science
ISBN: 9782221251492
Éditeur: Robert Laffont
Publié: 2020-10-14T22:00:00+00:00

La communauté chinoise stigmatisée,

des soignants aussi

Dans l’inconscient collectif, l’épidémie réveille une peur de l’autre, et celui qui est censé avoir fait entrer l’épidémie dans nos murs est rejeté. Ici, c’est surtout la communauté asiatique qui a trinqué, ce qui contraste avec les pratiques médiévales où il s’agissait plutôt des juifs – qui n’ont pas été épargnés pour autant3. Les mœurs ont changé : ce sont les réseaux sociaux qui mènent la danse, avec une augmentation de 900 % des propos racistes à l’égard de la communauté asiatique.

Pendant ce temps-là, Jackie Chan chantait à la télévision chinoise : « Qui a dit que notre pays était contaminé ? » Malheureusement, quelques mois plus tard, tout le monde sait que le pays a été contaminé, du moins certaines régions. D’autres n’ont pas attendu cette confirmation pour faire l’amalgame entre peau jaune, yeux bridés et origine chinoise, en résumé, une discrimination au faciès. L’arrivée de l’épidémie a été précédée par la libération d’une parole xénophobe et la stigmatisation de la communauté chinoise. Certains d’entre eux se défendent par le hashtag #jenesuispasunvirus. En tout cas, les quartiers asiatiques de Paris, notamment le XIIIe arrondissement, étaient vides, la circulation calme et les restaurants asiatiques, habituellement bondés, quasiment vidés de leurs clients pendant que les commerces étaient désertés par les acheteurs.

En France, la communauté d’origine chinoise comprend 600 000 à 700 000 personnes qui appartiennent en fait à des origines diverses. Elle a été formée par deux grosses vagues successives de migrations au cours des cent dernières années. La première a concerné des travailleurs chinois qui sont venus aider, avec l’accord de leur gouvernement, à la reconstruction du pays après la Première Guerre mondiale, à partir de 1919 : 140 000 Chinois sont arrivés et des milliers sont restés. La plupart étaient originaires de la région de Wenzhou, détail qui aura son importance par la suite. La seconde vague migratoire est dite des « boat people ». Elle a démarré à la fin des années 1960, et était composée de populations asiatiques des anciennes colonies françaises d’Indochine (Cambodge, Laos, Vietnam) fuyant le communisme. Beaucoup étaient d’origine chinoise car leurs parents avaient fui la Chine quelques décennies plus tôt. En parallèle, la révolution culturelle en Chine a engendré une fuite, plus discrète, des Chinois de la région de Wenzhou vers leurs familles installées en France. Ces deux principaux courants migratoires se sont enrichis d’autres, beaucoup moins importants. Ces populations d’origine chinoise sont bien françaises et n’ont plus de rapport avec la Chine autre que commercial.

Les soignants ont aussi pu faire partie des personnes stigmatisées, au début de l’épidémie. Cela a concerné des infirmières. Il existe quelques témoignages de locataires ou propriétaires indélicats demandant l’expulsion de leurs immeubles de soignants travaillant au contact des malades du Covid. Et puis les locataires et propriétaires grincheux ont dû rapidement comprendre qu’ils ne pouvaient pas aller à contre-courant des applaudissements aux balcons, qui bientôt remplacent ces – heureusement rares – manifestations de défiance vis-à-vis du personnel soignant.

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