Trop humains by Sylvain Neuvel

Auteur:Sylvain Neuvel [Neuvel, Sylvain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fantasy, Bit-lit
ISBN: 9782253191995
Éditeur: Le livre de poche
Publié: 2018-10-02T22:00:00+00:00

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1. En français dans le texte. (N.d.T.)

DOSSIER N° 2138

JOURNAL PERSONNEL – EVA REYES

Lieu : camp de travail de Kaarina,

près de Turku, Finlande

Il existe bel et bien une façon de sortir. Tout le monde la connaît. Il y a ce gamin Tataarit. On l’appelle Baba. Je n’ai aucune idée de son vrai nom. Il sort toutes les nuits pour faire des provisions. Des cigarettes, principalement. Cent pour cent de marge, mais Baba peut obtenir n’importe quoi. Il donne même le ticket, pour bien montrer qu’on ne se fait dépouiller que de cent pour cent. Ce gamin – il ne doit pas avoir plus de douze ans – se fait plus de deux mille dollars par semaine, c’est ce qu’il dit. J’ai le sentiment que c’est le père de Baba qui empoche l’argent, mais Baba aime se la ramener. Il vit bien, c’est certain. Nouveaux vêtements. Nouveau téléphone. Il est super élégant. Je l’aime beaucoup.

Je lui ai demandé s’il pouvait m’emmener. Il a refusé, bien sûr. J’ai arrêté de croire que les choses pouvaient être simples. J’ai essayé de le menacer, je lui ai dit que je le balancerais aux gardes. Il a ri. Les gardes touchent vingt pour cent, leur chef aussi. Il se trouve que ma porte de sortie, c’est la cuisine. Et c’est le chef qui a la clé. J’ai proposé de l’argent à Baba, mais il a d’abord demandé à voir les billets. Je l’aime vraiment bien, lui. Assez pour lui dire qui j’étais. Ça l’a fait sourire. Ensuite, il m’a demandé ma chemise. Littéralement. Il pense que ça vaudra une fortune en ligne. « L’authentique chemise d’Eva Reyes, portée sur une autre planète. » On a même fait une photo pour qu’il s’en serve comme certificat d’authenticité. Je ne sais pas pourquoi, mais il y a un truc, avec mes vêtements. Peu importe, je déteste cette chemise. Les Russes me l’ont donnée. J’ai peut-être oublié de mentionner ce détail à Baba. Malheureusement, cette pièce de mode inestimable était ma seule chemise, et si je parviens à quitter cet endroit, je le ferai en portant un t-shirt aux couleurs d’un groupe de métal appelé Nightwish, cadeau de Baba himself. Au moins, il est noir. Il m’a aussi donné assez d’argent pour le bus pour Turku et le ferry pour Mariehamn, même si je suis censée le rembourser. Je ne sais pas bien comment. Je n’ai pas demandé.

Je n’étais pas sûre qu’on ne se foute pas de moi. Ça paraissait si simple, tout ça. Quoi, il y aurait une issue et personne ne s’en servait, à part un môme qui revenait chaque fois ? Pourtant, c’est vrai. Je l’ai vue de mes propres yeux. J’ai demandé une « preuve » avant de retirer ma chemise. Ce n’est pas un trou creusé à même le sol, pas une brèche dans la clôture. Il y a une porte ! Une yokits de porte. Ils s’en servent pour acheminer la nourriture, elle ouvre sur l’extérieur. Ici, n’importe qui pourrait s’en aller un beau matin, avec un peu d’argent, ou la bonne chemise.

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