Tant que ce sera l'été - T2 - Mais l’automne est arrivé by Marianne Brisebois

Tant que ce sera l'été - T2 - Mais l’automne est arrivé by Marianne Brisebois

Auteur:Marianne Brisebois [Brisebois, Marianne]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Québec
Éditeur: Éditions Hurtubise
Publié: 2023-10-11T00:00:00+00:00


Gabriel

Samedi. Sept heures, quatre minutes. Je pense avoir vu chaque heure défiler sur mon téléphone. Étonnamment, Emma passe une bien meilleure nuit que moi. Son corps dégage une chaleur insupportable. Elle s’est même mise à ronfler comme quelqu’un qui a un mauvais rhume. Je ne m’inquiète pas vraiment pour son état, je sais que ça finira par passer. Qu’il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre que le corps fasse son travail: éliminer la scrap ingérée.

Ce qui me garde l’esprit alerte, ce n’est pas Emma. C’est moi. Je me demande ce que j’ai bien pu faire avec mon jugement pour l’emmener dans cet endroit, la présenter à Gaëlle. Gaëlle que j’ai giflée sans la moindre retenue, sans le moindre remords. J’ai commencé à la détester dès que je suis passé près d’elle dans le couloir menant aux toilettes, luttant contre mon envie de m’autoriser une dernière ligne. Puis j’ai vu son visage. C’était comme me voir, moi – celui que j’étais il n’y a pas si longtemps. C’est peut-être moi que j’ai voulu frapper.

J’ai honte. Honte de ne pas avoir pris les bonnes décisions, de ne pas avoir protégé ma meilleure amie. Je ne saurai pas quoi faire quand elle se réveillera. Je ne veux pas qu’on me dise que tout va bien aller, qu’elle aura simplement appris de ses erreurs; sa douleur ne s’est pas évaporée avec les derniers effets des comprimés mélangés. Et c’est ce qui lui donnera envie de recommencer. Je voudrais qu’on me brasse un peu. Qu’on me dise que je suis le pire des amis. Qu’on m’apprenne à prendre soin des autres.

— Salut, Florence. Je te réveille?

— Oh! Minou! Comment tu vas?

— Je sais pas par où commencer.

J’aurais dû l’appeler avant. Dès que j’ai senti qu’Emma avait besoin de moi plus que j’avais besoin d’elle. Depuis que nos douleurs sont différentes. Florence est capable de tout secouer, de faire sortir les mots jusqu’à ce qu’ils nous fassent pleurer, avant qu’on finisse par en rire, par nous féliciter d’avoir simplement réussi à parler.

— Shit… Là, elle est correcte?

— Ben… physiquement, ça va aller. C’est juste qu’à partir de maintenant, je sais pas comment l’aider. Ça aurait vraiment pu mal finir si elle avait suivi Gaëlle. Pis c’est à cause de moi.

— Ben non. C’est pas à cause de toi.

— Je savais qu’elle allait pas bien, qu’elle voulait oublier, qu’elle a l’impression de vivre ses dernières heures de liberté…

— Pis tu penses que t’aurais pu l’empêcher? Comment?

— En allant pas là-bas avec elle. En la laissant pas toute seule avec Gaëlle.

— Ben oui. Simple de même. C’est vrai que t’as de l’expérience là-dedans, contrôler les gens en décidant de ce qu’ils peuvent faire ou pas faire. Ça donne des maudits beaux résultats!

— Florence…

— Ça fait déraper personne, d’abord! Ça leur donne pas du tout le goût d’aller dans les extrêmes comme quelqu’un qui binge après une vie de régime! T’as raison, Gab. Tu devrais imposer des règlements à Emma pis diaboliser sans arrêt les expériences qu’elle a envie de faire.



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