Souvenirs d'un alpiniste by Émile Javelle

Souvenirs d'un alpiniste by Émile Javelle

Auteur:Émile Javelle
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Nouvelles/Montagne Alpes
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2017-08-28T04:00:00+00:00


« Où ses ossements pourront dormir en paix… »

Il en est pourtant du Trift comme de notre descente du Moming-Pass ; si à première vue les parois en semblent effrayantes, à mesure qu’on les étudie, on y découvre des passages possibles, puis faciles, et, aujourd’hui qu’elles sont tout à fait connues, on est tout surpris, en dépit d’une aussi vilaine apparence, de les trouver si aisées à descendre. Ce qui a été une hardiesse pour les premiers qui les franchirent est devenu, grâce surtout aux chaînes et aux échelles, une véritable promenade, un peu vertigineuse, toutefois, et fort exposée aux chutes de pierres. Nulle part on ne saurait se donner à moins de frais l’idée des mauvais pas de la haute montagne.

Pour nous cependant, la descente ne fut point facile. Il restait encore assez des neiges de l’hiver pour cacher les premières chaînes sous une couche de trois pieds, et le soleil les avait déjà tellement ramollies, que sur plusieurs points ces neiges commençaient à glisser. Puis, le pauvre Martin était presque aveugle ; durant toute la descente du Moming-Pass, voulant être plus sûr de ses yeux, il avait quitté les lunettes noires indispensables aux grimpeurs, et la réverbération éclatante des neiges l’avait brûlé à tel point que, pour le moment, il n’y voyait presque plus.

Du pied des rochers, la descente n’est plus qu’une longue promenade sur la glace, jusqu’à l’extrémité du glacier, d’où l’on voit les chalets de Zinal.

Les pentes molles et douces des pâturages bronzés par le soleil couchant, les fraîches forêts, les eaux, les prairies en fleurs, l’hôtel paisible dont le toit fumait dans l’ombre, nous reçurent comme le plus tranquille des ports après une orageuse traversée.

Hélas ! que n’y puis-je rester encore ! Le temps de mes loisirs est maintenant écoulé. Je vais partir pour Sierre ; demain déjà je serai à Lausanne. Pourquoi faut-il que notre destinée nous entraîne si souvent loin des lieux qui seraient faits pour notre cœur ! Vivre dans le secret de cette belle vallée, au pied des glaciers, si fiers et si purs, dans les grandes ombres fraîches et la paix des pâturages déserts, y vivre avec un ou deux êtres aimés… n’est-ce pas, dites-moi, le rêve du bonheur ?

Il faut partir, cependant. Heures sublimes du soir dans la solitude des hauts alpages, sous l’âpre haleine du glacier, matinées radieuses dans l’air limpide des hauteurs, près des cimes lumineuses, vie libre et sauvage de la montagne, demain vous ne serez plus que souvenirs.

On dit que le Peau-Rouge, au fond des solitudes de l’Amérique, rêve que dans l’autre vie il lui sera donné de chasser éternellement dans la plus giboyeuse des savanes ; pour moi, mon ami, vous allez sourire, je ne puis faire le rêve d’une vie meilleure sans y mêler, au milieu d’autres images chéries, la paix profonde et reposante des hauts vallons de la montagne, la fière sérénité des cimes blanches, l’espoir de courses sans fin et d’ascensions qui se renouvellent toujours.



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