Sale gosse by Stephen King

Auteur:Stephen King [King, Stephen]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2014-03-13T23:00:00+00:00

7

McGregor remmena le client de Bradley dans les entrailles du Manoir de l’Aiguille pour l’appel de midi en promettant de le ramener juste après.

« Je vous rapporterai une soupe et un sandwich, si vous voulez, proposa McGregor. Vous devez avoir faim. »

Mais Bradley n’avait absolument pas faim. Pas après ce qu’il venait d’entendre.

Il resta assis de son côté de la séparation en plexiglas, les mains refermées sur son bloc-notes resté vierge. Il méditait sur le gâchis de certaines vies. Des deux en présence, la ruine de celle de Hallas était certes plus facile à accepter, car il était clair que l’homme était fou. Si, lors de son procès, il avait pris la parole et raconté cette histoire – de cette même voix raisonnable et avec une sincérité si désarmante qu’elle vous mettait au défi de la mettre en doute –, Bradley était persuadé que Hallas serait à l’heure qu’il est enfermé dans l’une des deux institutions psychiatriques de haute sécurité de l’État au lieu d’attendre ses injections successives de thiopental sodique, bromure de pancuronium et chlorure de potassium : le cocktail létal que les détenus du Manoir de l’Aiguille appelaient Goodnight, Irene.

Mais du moins Hallas, qui avait dû atteindre les limites de la santé mentale à la perte de son bébé, avait-il vécu la moitié d’une vie. Une moitié de vie malheureuse, certes, assaillie par des délires de persécution et des fantasmagories paranoïaques, mais – pour détourner un vieil aphorisme – faute d’une vie, on se contente de la moitié d’une. Le cas du petit garçon était nettement plus tragique. Selon le médecin légiste, l’enfant qui avait eu le tort de se trouver sur Barnum Boulevard au mauvais moment n’avait pas plus de dix ans, plus probablement à peine huit. On ne pouvait pas parler de vie mais de prologue.

McGregor ramena Hallas, l’attacha à sa chaise et demanda s’ils en avaient encore pour longtemps. « Il a pas voulu de son déjeuner, mais moi, je serais pas contre.

– Nous ne serons pas longs », répondit Bradley.

Pour être honnête, il n’avait qu’une seule question, et une fois Hallas installé, il la posa.

« Pourquoi vous ? »

Hallas haussa les sourcils. « Je vous demande pardon ?

– Ce démon – car je présume que c’est ainsi que vous pensez à lui – pourquoi vous a-t-il choisi, vous ? »

Hallas sourit, moins un sourire qu’un simple étirement des lèvres. « Plutôt naïve comme question, non ? C’est comme si vous me demandiez pourquoi un bébé naît avec une malformation de la cornée, comme Ronnie Gibson, alors que les cinquante suivants venus au monde dans le même hôpital sont parfaitement normaux. Ou pourquoi un type bien qui a toujours mené une existence correcte se voit frappé d’une tumeur au cerveau à l’âge de trente ans alors qu’un monstre qui a contribué à superviser les chambres à gaz de Dachau vivra jusqu’à cent ans. Si vous voulez savoir pourquoi des trucs moches arrivent à des gens bien, vous avez frappé à la mauvaise porte. »

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