Nantas by Émile Zola

Nantas by Émile Zola

Auteur:Émile Zola [Zola, Émile]
La langue: fra
Format: epub, mobi
Tags: Nouvelle/Naturalisme
Éditeur: Bibliothèque numérique romande
Publié: 2016-11-28T05:00:00+00:00


IV

Depuis dix-huit mois que Nantas était ministre des finances, il semblait s’étourdir par un travail surhumain. Au lendemain de la scène de violence qui s’était passée dans son cabinet, il avait eu avec le baron Danvilliers une entrevue ; et, sur les conseils de son père, Flavie avait consenti à rentrer au domicile conjugal. Mais les époux ne s’adressaient plus la parole, en dehors de la comédie qu’ils devaient jouer devant le monde. Nantas avait décidé qu’il ne quitterait pas son hôtel. Le soir, il amenait ses secrétaires et expédiait chez lui la besogne.

Ce fut l’époque de son existence où il fit les plus grandes choses. Une voix lui soufflait des inspirations hautes et fécondes. Sur son passage, un murmure de sympathie et d’admiration s’élevait. Mais lui restait insensible aux éloges. On eût dit qu’il travaillait sans espoir de récompense, avec la pensée d’entasser les œuvres dans le but unique de tenter l’impossible. Chaque fois qu’il montait plus haut, il consultait le visage de Flavie. Est-ce qu’elle était touchée enfin ? Est-ce qu’elle lui pardonnait son ancienne infamie, pour ne plus voir que le développement de son intelligence ? Et il ne surprenait toujours aucune émotion sur le visage muet de cette femme, et il se disait, en se remettant au travail : « Allons ! je ne suis point assez haut pour elle, il faut monter encore, monter sans cesse. » Il entendait forcer le bonheur, comme il avait forcé la fortune. Toute sa croyance en sa force lui revenait, il n’admettait pas d’autre levier en ce monde, car c’est la volonté de la vie qui a fait l’humanité. Quand le découragement le prenait parfois, il s’enfermait pour que personne ne pût se douter des faiblesses de sa chair. On ne devinait ses luttes qu’à ses yeux plus profonds, cerclés de noir, et où brûlait une flamme intense.

La jalousie le dévorait maintenant. Ne pas réussir à se faire aimer de Flavie, était un supplice ; mais une rage l’affolait, lorsqu’il songeait qu’elle pouvait se donner à un autre. Pour affirmer sa liberté, elle était capable de s’afficher avec M. des Fondettes. Il affectait donc de ne point s’occuper d’elle, tout en agonisant d’angoisse à ses moindres absences. S’il n’avait pas craint le ridicule, il l’aurait suivie lui-même dans les rues. Ce fut alors qu’il voulut avoir près d’elle une personne dont il achèterait le dévouement.

On avait conservé mademoiselle Chuin dans la maison. Le baron était habitué à elle. D’autre part, elle savait trop de choses pour qu’on pût s’en débarrasser. Un moment, la vieille fille avait eu le projet de se retirer avec les vingt mille francs que Nantas lui avait comptés, au lendemain de son mariage. Mais sans doute elle s’était dit que la maison devenait bonne pour y pêcher en eau trouble. Elle attendait donc une nouvelle occasion, ayant fait le calcul qu’il lui fallait encore une vingtaine de mille francs, si elle voulait acheter à Roinville, son pays, la maison du notaire, qui avait fait l’admiration de sa jeunesse.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.