L'Executeur by 108

Auteur:108 [108]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les contrats siciliens
Publié: 2013-07-15T07:48:08+00:00

CHAPITRE XI

— Accouche !

Le ton de Roberto Sciari n’était guère aimable. Il avait horreur des ennuis, surtout quand Castana était absent. Il suffisait d’un dérapage pour se retrouver subitement en disgrâce. Et quand on connaissait le capo, on n’avait pas envie de déraper. Le minuscule Chinois venait de faire son entrée dans le living rococo du pavillon de Sciari et il n’était pas très à l’aise. Dans l’enchaînement des événements, il avait eu la main un peu lourde en injectant le poison à ce petit con de Sicilien. Résultat : au lieu d’obtenir l’effet désiré en déclenchant une parfaite imitation d’infarctus, il avait provoqué la mort la moins discrète qui soit. Quand il avait quitté ce Piero Fortalesa dans la venelle de Pagliarelli, le gamin était déjà si difforme qu’il avait compris son erreur. Un instant, il avait été tenté de repartir pour larguer le corps n’importe où. Mais les ordres de Sciari qu’il avait pris par téléphone en quittant le port étaient formels. Il fallait inquiéter ces cons qui jouaient aux gardes du corps auprès de la môme. Juste les inquiéter. Une des pratiques habituelles de la mafia. Du moins, au début de ce type d’affaire. En général, ça suffisait. Mais ce soir, Tseu avait eu la main trop lourde et l’infarctus serait dur à faire avaler.

— Hé ! meugla Sciari en redressant sa masse dans les coussins de l’immense sofa. T’accouches, oui ou merde ! Et arrête de tripoter cette foutue cravate !

Il était inquiet et il avait sommeil. Dans ces moments-là, il n’était pas à prendre avec des pincettes.

— C’est fait, lâcha enfin le Chinois en recommençant à tripoter sa cravate.

— J’espère bien, que c’est fait ! Je te demande de raconter !

Tseu obéit, résuma l’épisode du rapt du gamin, la jonction avec Pipo aux entrepôts du port, décrivit avec complaisance la mort du caporegime, ce qui lui permit d’étendre un voile pudique sur la narration de celle du jeune Sicilien. Mais Sciari n’avait pas gravi tous les échelons glissants de la hiérarchie mafieuse par hasard. Son cerveau maléfique bourré d’antennes avait enregistré le malaise du Chinois. Tout à fait réveillé, il resserra les pans de sa robe de chambre autour de lui, prit le temps d’allumer un cigare et de se servir un Johnnie Walker avant de laisser peser son lourd regard sur Tseu pour proposer d’un ton dangereusement aimable :

— Et si on se disait tout, mon petit Tseu ?

On, n’étant évidemment qu’une formule.

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