L’été meurtrier by Sébastien Japrisot

L’été meurtrier by Sébastien Japrisot

Auteur:Sébastien Japrisot [Japrisot, Sébastien]
La langue: fra
Format: epub


Et puis un jour, je me réveille et j’ai vingt ans. Je bois mon café dans la cuisine, avec la tante Sourdingue et la mère la Douleur, je vais emmerder Bou-Bou sous la douche de la cour, pour qu’il me laisse la place et, une fois lavée, je remonte dans la chambre, j’enfile mon short blanc, mon polo blanc et mes nu-pieds, je vais voir ma mère.

Elle essaye sur moi la robe de mariée. On ne peut plus reconnaître celle de Juliette. Il y a des dentelles partout, comme je voulais. Dans la grande glace de la pièce du bas, qui fait salle à manger, je suis longue, la taille très fine, je me plais à mourir. La pauvre andouille a les larmes aux yeux de me voir dans cette robe. Elle trouve une ou deux chinoiseries à faire pour que mon petit cul soit encore plus beau et, pendant qu’elle s’installe à sa machine et que je mange de la bouillie Cérélac que j’adore, elle me dit : « J’ai quelque chose à te demander, mais je ne veux pas que tu te mettes en colère. » Elle a repensé à ce que je lui ai dit, quand j’ai connu Pin-Pon, et elle se tracasse. Elle s’est fait décrire le père Montecciari par Mme Larguier, chez qui elle fait le ménage. Enfin bref, elle veut voir une photo.

On reste sans parler le restant de notre vie, après ça. J’ai le cœur dans la gorge. Elle s’est arrêtée même de coudre. Je dis : « Le père Montecciari n’est pour rien dans cette histoire, j’en suis sûre maintenant. » Elle répond : « Il n’y a que moi qui peux en être sûre. Alors, apporte-moi une photo. » Quand elle est comme ça, je me roulerais par terre. Je dis : « Merde. Tu ne vas pas faire ton cinéma et me gâcher mon mariage ? Qu’est-ce que tu vas imaginer ? » Elle répond, sans me regarder, les yeux sur ses mains abîmées par les lessives : « Si j’ai le moindre doute, je ne te laisserai pas faire. Je dirai tout. Je l’ai juré à l’église. » J’envoie la bouillie Cérélac sur la table, je remets mon short, mon polo, mes nu-pieds, avec mes cheveux dans les yeux, et je claque la porte.

Cinq ou six minutes pour arriver chez les Montecciari. Une pour coincer ma Sono Cassée toute seule et lui demander une photo de son bien-aimé enterré à Marseille. Elle dit : « Pourquoi ? Pourquoi ? » Je dis que c’est pour la montrer à quelqu’un, en ville, qui fera un portrait avec des pinceaux. C’est le cadeau que je veux lui offrir, moi, pour mes vingt ans. Elle pleurniche comme une folle. Elle me dit : « Il n’y a que toi pour avoir des idées pareilles. Tu as bon cœur, voilà, tu penses avec ton cœur. » Je décroche dans sa chambre une photo du monsieur, je ne l’enlève même pas de son cadre



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