Les thibault - tome viii - épilogue by Roger Martin Du Gard

Les thibault - tome viii - épilogue by Roger Martin Du Gard

Auteur:Roger Martin Du Gard [du Gard, Roger Martin]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman
Publié: 2012-05-08T00:53:05+00:00


XIII

– « Le docteur Thibault », annonça joyeusement le vieux domestique.

Philip, attablé dans son cabinet, griffonnait quelques lettres en attendant l’arrivée d’Antoine. Il se leva précipitamment, et, de son pas sautillant, dégingandé, s’avança vers Antoine arrêté sur le seuil. Avant de lui saisir les mains, il l’enveloppa d’un de ses regards vifs qui semblaient pétiller entre ses paupières clignotantes ; et, branlant un peu la tête, avec ce sourire gouailleur qui l’aidait à cacher ses émotions :

– « Vous êtes magnifique, mon cher, dans ce bleu horizon ! Comment va ? »

« Qu’il est vieilli », pensa Antoine.

Les épaules de Philip s’étaient voûtées, et son long corps était plus mal affermi que jamais sur ses jambes. Les sourcils broussailleux, la barbe de chèvre, étaient devenus tout à fait blancs ; mais les gestes, le regard, le sourire, gardaient une vivacité, une jeunesse, voire une espièglerie déconcertantes, presque déplacées dans ce visage de vieil homme.

Il portait, sur un ancien pantalon d’uniforme rouge à bandes noires, une jaquette aux basques fripées ; et ce costume amphibie symbolisait assez bien ses fonctions à moitié civiles, à moitié militaires. Il avait été nommé, dès la fin de 1914, à la tête d’une commission chargée d’améliorer les services sanitaires de l’armée, et, depuis cette date, il s’était donné pour tâche de lutter contre les vices d’une organisation qui lui était apparue scandaleusement défectueuse. Sa notoriété dans le monde médical lui assurait une exceptionnelle indépendance. Il s’était attaqué aux règlements officiels ; il avait dénoncé les abus, alerté les pouvoirs ; et les heureuses mais tardives réformes accomplies en ces trois dernières années étaient dues, pour une grande part, à ses courageuses et tenaces campagnes.

Philip tenait toujours les mains d’Antoine, et il les secouait mollement, faisant entendre de petits gloussements mouillés :

– « Allons !… Eh bien !… Depuis le temps !… Comment va ? » Puis, poussant Antoine vers son bureau : « On a tant à se dire qu’on ne sait par où commencer… » Il avait installé Antoine dans le fauteuil qu’il donnait à ses clients ; mais, au lieu d’aller s’asseoir derrière sa table, il allongea le bras, saisit une chaise volante, s’assit à califourchon tout près d’Antoine, et le dévisagea.

– « Voyons, mon cher. Parlons de vous. Cette histoire de gaz, où ça en est-il ? »

Antoine se troubla. Il avait cent fois vu sur les traits de Philip cette attention, cette gravité, professionnelles ; mais c’était la première fois qu’il en était l’objet.

– « Vous me trouvez amoché, Patron ? »

– « Un peu maigri… Pas très surprenant ! »

Philip enleva son binocle, l’essuya, le remit avec soin, se pencha et sourit :

– « Alors, racontez ! »

– « Eh bien, Patron, je suis ce qu’on nomme avec respect un grand gazé. Ça n’est pas drôle. »

Philip eut un petit mouvement d’impatience.

– « Ta, ta, ta… Commençons par le commencement. Votre première blessure ? Qu’est-ce qu’il en reste ? »

– « Il en serait resté fort peu de chose, si



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