Les lois de la parole by Jacqueline Légaut

Les lois de la parole by Jacqueline Légaut

Auteur:Jacqueline Légaut [Légaut, Jacqueline]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2015-06-25T00:00:00+00:00


Le transfert

lundi 15 avril

C : Hier, nous avons arrêté notre conversation au moment où tu évoquais la figure de Dieu dans la Bible, et plus particulièrement au regard des Dix Commandements.

J : Tout à fait. Je te disais que c’est comme si les anciens, en transmettant oralement – parce que pendant fort longtemps rien n’a été écrit – ces Dix Commandements, témoignaient déjà d’une connaissance fort précise des conditions nécessaires à la possibilité même d’une parole. Ils ont attribué la responsabilité de ces effets de la transgression de ces lois à la colère divine.

Aujourd’hui, il n’y a plus de colère divine, mais les effets sont toujours là, plus que jamais.

C : Pourquoi avoir attribué la responsabilité de ces effets à une figure divine ? Pourquoi a-t-il fallu concevoir que quelqu’un était là, qui organisait tout à son idée ?

J : C’est encore un des effets inhérents à la parole, car il est inconcevable de parler sans s’adresser à quelqu’un. C’est impossible, inimaginable. Le fait même de parler, de penser, est complètement pris dans les aléas d’une adresse à quelqu’un à qui, d’office, on suppose un certain nombre d’attentes. Pas moyen de parler à qui que ce soit sans être pris automatiquement dans ces réseaux de suppositions qui vont gouverner les moindres propos que l’on articulera, la façon de les amener, de les énoncer. C’est précisément cela que nous appelons le transfert.

C : Mais alors, la psychanalyse est complètement prise dans ce que tu appelles le dispositif religieux ?

J : Oui et non. Ça, c’est vraiment le point essentiel.

Oui dans la mesure où sur un divan tu fais une expérience de parole. De ce fait, tu es d’emblée dans ce processus qui t’amène à supposer un certain nombre d’attentes, d’avis, de souhaits de la part de ton analyste. Ça, c’est vraiment un temps absolument incontournable.

Petit à petit, tu es amenée au bout d’un moment à t’apercevoir que toutes ces suppositions que tu fais à l’endroit de ton analyste, et auxquelles tu crois « dur comme fer », ces sortes de certitudes que tu avais posées d’emblée comme évidentes, rien en fait ne t’y autorise. Et non seulement rien ne t’y autorise, mais tu prends conscience petit à petit que ce sont tes propres attentes, tes propres désirs les plus intimes que tu lui as prêtés, et que tu es amenée progressivement à te réapproprier. Tu t’aperçois que cette figure apparemment familière, connue, à laquelle tu pensais t’adresser initialement, laisse peu à peu place à un point d’interrogation auquel tu ne peux pas répondre, car il n’est rien d’autre que ce manque originel singulier que creuse depuis toujours pour chacun le fait de parler.

C : Au fond, tout ce que nous prêtons à autrui vient de choses que nous ne reconnaissons pas comme nous appartenant.

J : Oui, tout à fait.

C : C’est ce que tu désignes lorsque tu dis que chacun reste foncièrement « sur sa planète ».

J : Oui, et c’est là, encore une fois, l’occasion de souligner l’importance de ces



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