Les enfants de Haretz by Rosa Ventrella

Les enfants de Haretz by Rosa Ventrella

Auteur:Rosa Ventrella [Ventrella, Rosa]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Roman historique, WW2, Juif(s), Shoah, Littérature italienne
Éditeur: Les Escales
Publié: 2023-04-03T08:54:20+00:00


Les premiers bruits arrivèrent des broussailles, au début nous ne les entendîmes pas, parce que nous avions l’habitude d’entendre les animaux sauvages. L’enthousiasme et la peur initiaux avaient cédé la place à l’indifférence. Puis les bruits s’amplifièrent, des pas dans les feuilles, d’autres êtres humains. Nous n’eûmes pas le temps de nous cacher ni de nous enfuir. Si c’étaient les soldats de Miller, alors tout était terminé.

Saisi d’une nouvelle quinte de toux, le petit Přežil colla sa main sur sa bouche. Son état de santé se dégradait de jour en jour. Ses cernes violacés ne laissaient rien augurer de bon, et nous pouvions seulement espérer que la douceur du printemps l’aiderait à guérir. Ses joues se gonflèrent quand il essaya de se retenir, mais cela le fit tousser plus fort, malgré les signes de Joseph pour le faire taire.

— Laisse-le, intervint Frantz.

La guerre n’était pas terminée entre ces deux-là.

D’abord, nous aperçûmes une femme qui tenait un grand pistolet noir, sinistre dans ses petites mains pâles. Elle murmura quelques mots dans une langue incompréhensible. Trois têtes rasées apparurent à ses côtés. Ruth poussa un cri pareil à celui d’un animal en cage, en fendant l’air avec ses mains. Toutefois, même lors de cette attaque de panique silencieuse, elle affichait une expression vide et détachée. Je remarquai le même regard brut et vide sur les quatre humains qui se tenaient devant nous. Des ombres.

— Ils parlent en russe, mais je ne comprends rien.

Cette fois, même Frantz n’était pas en mesure de communiquer avec eux. Le plus âgé fit un pas en avant. Je n’avais jamais vu des yeux aussi vides.

— Czy ty jesteś Polakiem ? demanda-t-il.

— Non, nous ne sommes pas polonais, répondit Frantz. Nous sommes tchécoslovaques, mais je comprends le polonais.

Il nous traduisit, avant de s’adresser de nouveau à l’homme dans un polonais parfait :

— Ce sont des prisonniers russes. Ils se sont échappés d’Auschwitz.

De nouveau ce mot, que je m’étais juré de ne plus jamais prononcer : Auschwitz.

— Comment ? Comment ils ont fait pour s’échapper ? demanda Joseph. Personne ne s’échappe d’un camp.

— Jak uciekłeś ? leur demanda Frantz.

La femme fit un pas en avant, baissa son arme et mit son autre main devant son cou.

— C’est Judith. Elle a séduit un des soldats nazis et puis elle l’a pris à la gorge.

Frantz était gêné.

— Comment ça, pris à la gorge ? voulut savoir Joseph.

— Elle lui a déchiré la gorge à coups de dents, répondit Frantz en contractant la mâchoire. Ta curiosité est satisfaite, maintenant ?

— C’est pour ça que c’est elle qui a le pistolet, commenta Joseph. C’est la plus dure de tous.

Oui… nous étions des ombres. Et peut-être aussi des monstres.

— Nous devrions rester avec eux. Au moins ils ont une arme, ils peuvent nous protéger. En échange, on partagera nos provisions, poursuivit Joseph.

— Tu nous as regardés ? l’apostrophai-je. Pour quelle raison prendraient-ils avec eux un groupe d’enfants démunis et épuisés ?

C’était la première fois que j’osais le contredire. Jusque-là j’avais observé, sans participer à aucune décision.



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