Le poids du corps à l'adolescence by Didier Lauru & Annie Birraux

Auteur:Didier Lauru & Annie Birraux [Lauru, Didier & Birraux, Annie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Albin Michel
Publié: 2013-12-27T05:00:00+00:00

L’oralité et le sexuel

Selon Freud, l’enfant est introduit dans la dimension de la sexualité par son activité orale et le suçotement constitue la première activité sexuelle du nourrisson.

Freud élabore dans la première topique le concept de pulsion orale. Celle-ci est d’abord conçue comme une poussée échappant au langage au cœur de l’inconscient et de ses formations. Il définit sa source dans une zone érogène particulière qui est le pourtour de l’orifice buccal (bouche, lèvres, dents). Son but est d’atteindre la satisfaction. L’objet n’est pas nécessairement approprié aux plaisirs de la bouche, car ce n’est pas seulement lui qui compte, mais ce qu’il cause ; il est interchangeable. De même, la manifestation de cette pulsion ne se limite pas à la bouche. Freud mettra en évidence une disjonction du but et de l’objet de la pulsion ; et c’est cette disjonction qui fonde la psychopathologie de l’oralité. Il fait référence à « l’amateur de baisers », au fumeur et au buveur. Mais d’autres auteurs ont travaillé sur l’oralité, en particulier Karl Abraham, qui insiste sur une dimension sadique voire cannibalique. Le stade oral dit cannibalique se caractérise par l’introjection de l’objet. Enfin, Melanie Klein, pour sa part, a insisté sur le plaisir non seulement à sucer mais aussi à mordre voire à détruire, en insistant sur le clivage bon sein mauvais sein.

Au-delà de ces différences de points de vue, j’insiste sur la force et l’intensité de l’oralité chez les sujets en surpoids, qu’elle se manifeste directement sur la nourriture ou qu’elle soit déplacée sur des dimensions sadiques, cannibaliques ou même d’introjection de l’autre (se l’approprier en l’incorporant).

L’érotisme oral est présent dans l’acte de parler, de manger, et plus directement en lien avec la sexualité dans le baiser. Pour les adolescents, le premier baiser est particulièrement essentiel à plusieurs titres. Dans leur recherche de la rencontre avec l’autre, l’étape du baiser est un point majeur dans le sens où non seulement l’adolescent aborde le corps de l’autre mais l’intérieur du corps de l’autre. En effet, les muqueuses, la langue sont autant de sources de plaisir, d’excitation. La rencontre avec la chair de l’autre passe à l’adolescence par ce plaisir oral du baiser. Il diffère de ce que l’adolescent a connu jusque-là du baiser, y compris celui qui effleure les lèvres de l’autre. Avec baiser profond du « french kiss », c’est une tout autre affaire.

Mais quand le flirt4 n’est pas au rendez-vous, que l’attente de la rencontre avec l’autre est infinie, ou que la déception est intense, l’adolescent(e) devient inconsolable.

Le substitut le plus proche dans la déception ou la privation orale est la parole, ne serait-ce que dans la jouissance de la plainte, ou le classique recours au plaisir de la nourriture. Il est alors plus question de quantité que de qualité, car la boucle de la pulsion revient vite demander satisfaction une fois qu’elle l’a obtenue.

Cette boucle pulsionnelle est insatiable, dans tous les sens du terme, puisque précisément les sujets en obésité n’ont pas la sensation de satiété qui fait que l’on cesse de manger, l’appétit n’étant plus au rendez-vous.

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