Le mage du Rumorvan by Jean-François Joubert

Le mage du Rumorvan by Jean-François Joubert

Auteur:Jean-François Joubert [Joubert, Jean-François]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
Publié: 2015-09-16T22:00:00+00:00


Chapitre 20

Ballets de voitures, devant le cimetière, ce qui eut le don d’agacer les volatiles, d’habitude maîtres des airs et des arbres en ce lieu de dévotion. Énervés, ils criaient leurs désirs d’alerter le dieu des vents et de la pluie, afin de chasser ces mauvaises âmes. La messe mortuaire allait commencer, l’église était pleine à craquer, tellement bondée que certains devaient rester dehors. Tout ce petit monde bien habillé, tous présents pour un spectacle tant attendu : la mise en bière du mage de l’Aber. La cloche tinta, masquant ainsi le son de ces oiseaux de mauvais augure. Le numéro pouvait débuter. Le prêtre officiait avec le visage solennel de circonstance qui convenait à un enterrement, chacun ayant droit à son dernier hommage, même le mage n’y coupait pas. Contraste saisissant avec ces gens qui ne cessaient de pouffer dans les rangs, trop heureux d’assister à la fin de leurs cauchemars. Une attitude montrant bien peu d’égards pour un mort dont l’apparition de la simple silhouette, de son vivant, devenait synonyme de frayeur. Pour résumer, une partie de l’assemblée se défoulait, ce qui gênait profondément Lavigne, pendant que l’autre pleurait. L’inspecteur préféra orienter son attention vers le banc où se tenaient les proches de la femme du défunt. L’orgue offrait sa puissance d’évocation : une musique, douce et profonde, chaude, qui envoûtait le cœur des humains. Des larmes fraîches coulaient sur la peau délicate de Clarisse. La procession suivit le cercueil, le mage allait rejoindre sa dernière demeure. Une poignée de terre, une fleur, et le curé prononçant son discours. Au moment où il eut un mot pour la femme du défunt, le scandale attendu éclata. Nolwenn Lamour, la dame au bâtard, pour une fois sans son chien, se présenta devant le dernier costume de feu Monsieur Duret.

Et c’est là que Clarisse Duret perdit son sang-froid, elle invectiva Nolwenn Lamour:

— « Comment oses-tu venir ici ? »

— « Tu n’étais pas la seule femme de sa vie. »

— « Dégage ! Hors de ma vue ! »

— « Paix à son âme… »

Puis joignant le geste à la parole, elles se crêpèrent le chignon, un comble dans ce pays du sarrasin. La bonne humeur était de mise, certains riaient en cachant leurs larmes de plaisir derrière des mouchoirs. Les deux femmes du mage ne pouvaient se voir, et le cimetière se métamorphosa en un théâtre de plein air. Une résultante, triste, de la comédie humaine.

Posé à l’ombre d’un muret, l’inspecteur Lavigne, d’un œil discret, surveillait tout ce monde, et se montrait satisfait de constater, comme il se l’était imaginé, qu’une piste nouvelle s’offrait à lui, sortant ainsi son enquête de la nasse des ténèbres d’où elle se trouvait : ces deux femmes en noir qui se disputaient le droit de deuil avaient un mobile aussi vieux que la bave du dragon : la jalousie.

Si ce n’était le son de nos amis les corbeaux qui, toujours moqueurs, continuaient de croasser au-dessus des têtes, le calme était revenu. Les deux femmes furent maîtrisées, puis séparées et entourées, chacune par leur groupe de sympathisants.



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