Le cycle angoisse by Serge Brussolo

Le cycle angoisse by Serge Brussolo

Auteur:Serge Brussolo [Brussolo, Serge]
La langue: fra
Format: epub
Tags: BIB Fantastique
Éditeur: Éd. Du Rocher
Publié: 1995-12-31T23:00:00+00:00


CHAPITRE IX

Pendant plusieurs jours, Sarah caressa la même obsession : entrer dans le musée, éventrer les bêtes à la panse distendue, et anéantir toute légende. Elle conserva même sous son oreiller un scalpel volé dans le laboratoire de taxidermie, et, la nuit, touchait du bout de l’index l’acier froid de l’outil en se répétant : « Je compte jusqu’à dix et j’y vais ! » Elle commençait alors à égrener les chiffres, bandait les muscles de ses cuisses pour rejeter les couvertures, et puis…

Et puis elle imaginait les barbelés interdisant l’accès de la galerie, elle voyait le long couloir désert où chaque bruit se doublait d’un curieux écho. Il lui faudrait se faufiler entre les singes, se frayer un chemin dans cette foule velue, remonter péniblement jusqu’au premier rang. Quelque chose lui soufflait qu’ON ne la laisserait pas mener son projet à bien.

Dans la journée, Georges la surveillait du coin de l’œil, étudiant chacune de ses attitudes. Parfois il ruminait sombrement, englouti au fond d’un énorme fauteuil, à d’autres moments il pérorait, plein d’une euphorie suspecte. Il racontait alors qu’il aurait aimé suivre de plus près la grossesse des bêtes fantômes, les peser pour s’assurer que les petits prenaient régulièrement du poids. Il se découvrait subitement des velléités de médecin-accoucheur, consultait des ouvrages sur la reproduction animale et potassait de vieux manuels en usage dans les écoles vétérinaires au siècle dernier. Sarah le voyait palper des coussins comme s’il s’agissait d’un ventre de femelle prête à mettre bas. S’il n’avait pas eu si peur d’entrer dans le musée, il aurait passé ses jours et ses nuits au chevet des animaux empaillés, leur prenant le pouls, leur examinant la langue. Cette passion soudaine irritait et inquiétait la jeune femme. Après le dernier meurtre elle avait espéré que le fils de Werner s’engagerait dans une longue période de latence mais l’agitation dont il faisait preuve contrariait cette attente. Comme elle l’avait pressenti, Georges ne tarda pas à parler d’un nouveau sacrifice.

— Il faut nourrir les fœtus, expliqua-t-il doctement. Je n’ai pas encore utilisé tous les rasoirs du coffret, et il reste beaucoup de dossiers d’exécution en souffrance. Les petits ont besoin d’autres offrandes pour parvenir à maturité.

Sarah ne chercha pas à protester. Elle songea qu’elle n’avait qu’à franchir les grilles du parc et ne plus revenir. Comme s’il lisait dans ses pensées, Georges laissa échapper un petit gloussement ironique.

— Vous avez peur, constata-t-il. Vous vous sentez dépassée. C’est normal. Je crois même que vous envisagez de prendre la fuite.

— Vous m’en empêcheriez ? demanda-t-elle d’une voix qu’elle espérait détachée.

— Pas du tout, fit Georges. Il n’entre pas dans mes desseins de faire de vous une prisonnière. Je sais que la maison s’en charge à ma place. Personne ne vous retient et pourtant vous ne partez jamais. Vous ne trouvez pas cela bizarre ? Inexplicable ?

Sarah haussa les épaules. Georges venait de mettre le doigt sur un point sensible. La soif de vengeance qui avait brûlé en elle durant si longtemps ne justifiait pas tout.



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