La Tour de Garde Capitale du Sud T3 : Les contes suspendus by Guillaume Chamanadjian & Guillaume Chamanadjian

Auteur:Guillaume Chamanadjian & Guillaume Chamanadjian [Guillaume Chamanadjian]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Aux forges de Vulcain
Publié: 2023-03-06T13:40:39+00:00

CHAPITRE 10

Les premiers rayons du soleil caressaient la surface du lac lorsque je revins à la tour. L’eau scintillait dans la lumière matinale, se reflétait comme des milliers de miroirs sur le rideau d’arbres et les plumages des échassiers. On n’entendait pas encore les premiers martèlements de Marika au loin, les ouvriers n’avaient pas encore traversé le bac, les tentes de Ruben De Colruit se dressaient toujours sur les berges. J’arrivais à temps.

Chacun des muscles de mon corps m’élançait. La souffrance était épouvantable. L’air que je recrachais avec peine de mes poumons était brûlant. Mes jambes tremblèrent lorsque je pris place dans l’embarcation, si bien que je perdis l’équilibre et manquai de tomber à l’eau.

Il me restait encore juste un petit effort à réaliser.

Je halai péniblement la barque vers l’autre rive, tentai de me recomposer un visage avenant, et pas la figure épuisée du coursier de nuit que j’étais. Je croisai les plus matinaux des habitants de la tour et, parmi eux, le juge Lounis.

L’homme ne comprenait toujours rien à ma langue ni moi à la sienne. Mais je lui fis comprendre avec force gestes que j’avais besoin de lui. Tout de suite. Et qu’il prenne avec lui le jeune homme qui parlait parfaitement ma langue.

Zurab fut éveillé en sursaut et nous rejoignit tandis que nous l’attendions près du bac. Il finit d’enfiler sa chemise pendant que j’actionnais le mécanisme. Si l’inquiétude l’avait gagné devant cet appel inhabituel, il ne laissa rien paraître.

Au campement, trois hommes de Ruben De Colruit étaient en train de démonter les tentes. Les trois autres, déjà en armes, nous empêchèrent de passer.

« J’ai prévenu le sieur De Colruit que je passerais le voir ce matin, argumentai-je.

– Il ne souhaite pas te rencontrer, fit le cerbère en me considérant avec mépris. Maintenant, file. »

Bien sûr, une petite humiliation pour la forme. Mais je n’allais pas me laisser faire.

« Ces terres sont les miennes au regard de la loi de Dehaven, affirmai-je fortement. Et ce, jusqu’à ce que votre tribunal en ait statué différemment.

– Que se passe-t-il ici ? »

Karel De Buyst était sorti d’une tente, suivi de son beau-père. J’ignorai les gardes et m’adressai au vieux noble.

« Je vous souhaite le bonjour, sieur De Colruit ! Je souhaitais m’assurer que vous aviez passé une excellente nuit chez moi avant votre départ. » Il considéra les deux personnes qui me suivaient, suspicieux. « Je ne vous ai pas présenté Lounis, déclarai-je. C’est un de mes hommes de loi. »

Était-ce le fait que j’avais utilisé exactement les mêmes termes que lui la veille ? Je vis de là où je me trouvais le visage de Ruben De Colruit s’animer d’une haine farouche. Il ne savait pas à quel jeu je jouais, et ça l’agaçait prodigieusement.

Lounis, lui, n’entendait absolument rien à ce qui se déroulait sous ses yeux. Zurab tenta de lui en faire une traduction mot à mot, mais il ne comprenait pas non plus.

« Fiche-moi le camp d’ici, petit commis, lâcha De Colruit. Je suis las de ta comédie et de ta vue.

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