Jonquille. Afghanistan, 2012 (French Edition) by Jean Michelin

Jonquille. Afghanistan, 2012 (French Edition) by Jean Michelin

Auteur:Jean Michelin [Michelin, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2017-11-01T23:00:00+00:00


Je ne me souviens pas exactement de l’instant où je me suis réveillé. En revanche, je me souviens parfaitement des bruits : un cognement sourd contre la toile de la tente, un hurlement, et une sirène.

J’ouvris les yeux, péniblement. À demi conscient, je devinai les faisceaux des lampes de poche qui s’agitaient autour de moi. La sirène devint concrète, elle venait de l’extérieur et s’accompagnait d’une voix monocorde, en anglais, qui répétait « attaque, attaque, rejoignez les abris ». Le hurlement faiblit, puis reprit, je compris qu’il venait du fond de la tente, sans doute l’un des Américains avec lesquels nous étions logés pour la nuit. Le cognement avait cessé, sans lever son mystère. Lentement, mon cerveau fit un nouveau pas hésitant vers la conscience. J’entendis Michael, au-dessus de moi, sans le voir : « Tout va bien, mon capitaine ? »

Je compris que j’étais par terre. Un pas de plus hors de la brume. Au prix d’un suprême effort, j’articulai : « Qu’est-ce que je fous là ? » Puis me mis à la recherche de ma lampe, dans mon duvet. Je l’allumai, m’assis. J’étais tombé du lit superposé — je n’allais pas tarder à me rendre compte que j’avais dû faire une belle chute lorsque mes coudes se couvriraient de bleus dans les heures suivantes, engendrant une douleur sourde qui devrait durer quelques jours.

« Vous n’avez pas entendu ?

— Entendu quoi ?

— Ben, l’explosion ! C’est pas tombé loin. »

Je fus tout à fait réveillé, soudainement. Je me levai. Il me fallut quelques instants pour comprendre ce qui s’était passé. Une roquette tirée par les insurgés à plusieurs kilomètres était tombée près de notre tente. Le cognement sourd, c’étaient en fait les cailloux soulevés par l’explosion qui étaient venus taper contre la toile. Le hurlement se tut enfin.

« Faut pas rester là. On fonce aux véhicules », dis-je comme pour moi-même. J’eus à peine besoin de répercuter l’ordre. Dans un silence presque complet, tout mon détachement plia ses affaires en toute hâte, pendant que la sirène et la voix enregistrée, dehors, poursuivaient leur duo.

Cinq minutes plus tard, j’étais dans mon VAB, habillé, équipé, et mon sac bouclé. Michael me rejoignit, suivi de Greg, puis de Guillaume et des autres chefs d’élément, venus aux ordres sans que je ne le leur demande — l’instinct est une chose solide. Je regardai ma montre : minuit et demi. J’avais dormi deux heures.

« On ne retourne pas sous la tente. Ceux qui veulent finir leur nuit peuvent dormir dans les blindés. Les autres peuvent aller boire un café au DFAC, le bâtiment est blindé. » Approbation silencieuse des chefs d’élément. Je poursuivis : « Faites le point de vos effectifs et assurez-vous que nous n’avons rien oublié. On forme la rame pour partir à 3 heures, comme prévu. » Les ordres furent transmis. La sirène s’était enfin tue. Finalement, il n’y avait pas eu de seconde roquette.

Me sentant fatigué mais tout à fait incapable de dormir sur la banquette inconfortable de mon



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