Jeux de masques by Sanderson Brandon

Auteur:Sanderson,Brandon [Sanderson,Brandon]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Livre de poche
Publié: 2017-10-27T22:00:00+00:00

13

W ayne ne se considérait pas comme quelqu’un de particulièrement religieux. Il supposait qu’Harmonie ne prêtait pas une grande attention aux gens comme lui, de la même manière qu’un peintre virtuose ne se demandait pas souvent ce que sa maman avait fait des dessins qu’il lui avait donnés petit.

Cela étant, Wayne appréciait réellement de fréquenter de temps à autre le temple des gens ordinaires. Ça l’aidait à se sentir mieux et à oublier un temps ses problèmes. Il connaissait donc très bien l’endroit où Wax l’envoya effectuer une ronde en éclaireur.

Le temple se trouvait tapi au coin d’un carrefour, vieux bâtiment majestueux, immuable et trapu. Des bâtiments plus récents se dressaient des deux côtés, certains hauts de six étages, mais le temple avait l’apparence d’un vieux bonhomme dans son fauteuil, qui n’avait aucune envie de regarder au-dessus des genoux des gens. Comme Wayne s’y était attendu, la porte était ouverte en signe de bienvenue, laissant toujours échapper de la lumière, bien qu’il commence à se faire tard. Il longea l’allée sans se presser et adressa un signe de tête au gardien du temple, vêtu d’une casquette et d’un bleu de travail en guise d’uniforme, muni d’un bâton de cérémonie au bout duquel semblaient adhérer quelques cheveux, provenant sans doute d’hommes un peu trop chahuteurs qu’il avait cognés sur la tête.

Wayne toucha le bord de son chapeau pour le saluer et entonna l’invocation adéquate pour gagner le droit d’entrer :

— Salut, bleusaille. La bière est très aqueuse aujourd’hui ?

— Ne provoquez pas d’ennuis au pub ce soir, Wayne, récita l’homme en réponse. Je suis très mal luné.

— Désolé d’apprendre que vous avez la lune de traviole, conclut Wayne en le dépassant, mais je peux pas dire que ça me regarde.

Ayant terminé les présentations rituelles, Wayne entra dans le temple proprement dit. À l’intérieur, des hommes et des femmes étaient assis voûtés, tête baissée, pour méditer la profonde complexité du cosmère. Ils récitaient leurs prières tout en échangeant à mi-voix avec leurs amis, et ils fumaient de l’encens dans leurs pipes. Un portrait du Vieux Ladrian en personne était accroché au-dessus de l’autel, un homme à la bedaine conséquente qui brandissait une coupe comme pour réclamer l’attention.

Wayne se tenait sur le pas de la porte, tête baissée en signe de respect. Il trempa le bout des doigts dans une traînée de bière qui coulait goutte à goutte d’une table proche, puis s’en oignit le front et le nombril, la marque de la lance.

L’odeur le désignait désormais comme un pèlerin sur cette Terre sainte, et il traversa donc la foule des pénitents en quête de pardon pour rejoindre l’autel. Il régnait ce soir une étrange atmosphère. Solennelle. Oui, le temple était un lieu de méditation, mais il aurait également dû être un lieu de réjouissance. Où étaient les hymnes chantés d’une sainte voix pâteuse ? Où étaient les rires, le bruit joyeux des célébrations ?

Mauvais signe , songea-t-il en s’installant sur l’un des bancs – en l’occurrence, une table circulaire et rêche où étaient gravées de saintes écritures.

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