Jean Sbogar by Charles Nodier

Jean Sbogar by Charles Nodier

Auteur:Charles Nodier
La langue: fra
Format: epub
Tags: Literature
Éditeur: eBooksLib
Publié: 2001-12-08T00:00:00+00:00


Chapitre IX

L'intimité de Lothario étoit devenue un besoin pour Antonia, que l'espérance de ramener son coeur à la foi enflammoit d'un zèle plein de tendresse, et qui l'aimoit déjà vivement avant de s'être avoué qu'elle l'aimoit. Elle n'étoit pas moins précieuse à Madame Alberti, qui, de plus en plus inquiète sur le sort d'une jeune fille sans appui, qui entroit dans le monde avec une organisation débile, une santé chancelante, et une disposition extrême à subir douloureusement toutes les impressions fortes, ne concevoit la possibilité de lui assurer quelque bonheur qu'en lui faisant trouver, dans une affection puissamment sentie, une protection de plus contre les froissements de la vie. Elle voyoit un grand avantage à aider de bonne heure l'attachement presque maternel qu'elle avoit pour sa soeur, du secours, d'un sentiment plus tendre encore et plus prévoyant, tel qu'Antonia l'avoit sans doute inspiré à Lothario, quoique, par une singularité difficile à définir, il évitât de rapporter ce qu'il éprouvoit si évidemment à aucun être particulier. On auroit cru qu'il s'étoit formé dans un monde plus élevé quelque type admirable de perfection dont la figure et le caractère d'Antonia ne faisoient que lui retracer le souvenir, et que s'il arrêtoit sur elle ses regards avec une attention si vive et si tendre, c'est que ses traits réveilloient une réminiscence dont l'objet n'étoit pas sur la terre. Cette circonstance avoit entretenu dans leurs rapports une sorte de mystère pénible, qui étoit à charge à tous, mais que le temps seul pouvoit éclaircir. Antonia se trouvoit assez heureuse d'ailleurs de l'amitié d'un homme tel que Lothario ; et son âme timide et défiante, qui comprenoit bien un autre bonheur, n'eût pas osé le désirer. Sa vie s'embellissoit de l'idée qu'elle occupoit la vie de Lothario, et qu'elle avoit pris dans les pensées de cet homme extraordinaire une place que personne, peut-être, ne partageoit avec elle. Quant à Lothario, sa mélancolie augmentoit tous les jours, et s'augmentoit surtout de ce qui sembloit propre à la dissiper. Souvent, en serrant la main de Madame Alberti, en reposant ses yeux sur le doux sourire d'Antonia, il avoit parlé de son départ avec un soupir étouffé, et ses paupières s'étoient mouillées de larmes.

Cette disposition mélancolique de l'esprit qui leur étoit commune les éloignoit des lieux publics et des plaisirs bruyants auxquels les vénitiens se livrent pendant la plus grande partie de l'année. Leur temps se passoit ordinairement en promenades sur les lagunes, dans les îles qui y sont semées, ou dans les jolis villages de la terre-ferme qui bordent les rives élégantes de la Brenta. Cependant, de tous les lieux où ils aimoient à se retrouver, il n'en étoit aucun qui leur offrît plus de charmes qu'une île étroite et allongée, que les habitants de Venise appellent le Lido, ou le rivage, parce qu'elle termine en effet les lagunes du côté de la grande mer, et qu'elle est comme leur limite. La nature semble avoir imprimé à ce lieu un caractère particulier de tristesse et de solennité qui ne réveille que des sentiments tendres, qui n'excite que des idées graves et rêveuses.



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