Freddy Stratton by COTTIN Lucille

Freddy Stratton by COTTIN Lucille

Auteur:COTTIN, Lucille [COTTIN, Lucille]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: Lüna
Publié: 2020-07-21T22:00:00+00:00


En sortant de la banque à dix-sept heures, je me sentais à nouveau en paix. Le ciel était gris, mais il ne pleuvait pas. Nous flottions dans une espèce de brouillard invisible. J’allai vers les Royal Botanic gardens. Je voulais me plonger dans ses serres de métal et de verres jusqu’à ce que j’oublie que j’appartins à la société londonienne. Dans ces tombeaux floraux, le son était étouffé. On n’entendait que le grésillement de l’eau chargée de s’évaporer, comme un songe. Je me perdis dans ces jungles, à la recherche de Mandragores aux cuisses de bonnes femmes, ou de sabots de Vénus. J’étais certain que cela irait très bien à mes pieds.

Alors que je me flânais, je sentis une présence derrière moi. Elle était peu discrète et s’efforçait, très maladroitement, de me suivre. Alors qu’elle se rapprochait — bien trop ! — de moi, je fis volte-face. Mon Allemand sauta en arrière, surpris.

— Monsieur Stratton !

J’inclinai mon chapeau en guise de salut et me retins de jubiler. Ce que c’est que le hasard, tout de même !

— Que faites-vous ici ? demandai-je.

C’était une belle occasion d’en apprendre plus sur le bonhomme. Et, j’avoue que la coïncidence me surprenait. À l’époque, il n’y avait guère que les mordus des sciences — médecins, pharmaciens et botanistes — pour s’intéresser à ces monstruosités de la nature. Les particuliers préféraient les fleurs. Pouah.

— J’aime les fleurs, dit mon Allemand. Seulement, je vis dans un tout petit appartement, dans le nord. Je n’ai pas de jardin. Alors, je viens ici compenser...

Je fronçai les sourcils. Son récit ne correspondait pas à son adresse officielle.

— Et vous-même, monsieur Stratton ? me demanda-t-il.

— Je visite. J’aime bien...

Il fallait sympathiser.

— Toutes ces plantes.

L’homme me regarda avec une mine curieuse. Je me sentis obligé de développer :

— Je les trouve grotesques, et j’aime ce qui est grotesque. Parfois, je les trouve plus vraies que les choses classiques. Nous vivons dans un monde si normé ! Là, nous avons sous les yeux toutes les erreurs de la nature. Des choses laides et bizarres qui ne devraient pas exister, car jugées inesthétiques. Elles sont profondes. Elles sont le visage dissimulé sous le masque... Naturelles, spontanées. Vraies.

Mon Allemand me sourit avec sympathie. Je me rendis compte que je n’avais pas pu m’empêcher de m’exprimer à cœur ouvert. J’inclinai mon chapeau en guise de salut et dit précipitamment, prêt à prendre congé :

— « Scusez.

Je commençai à partir quand je me rendis compte que l’Allemand m’emboîtait le pas.

— C’est très profond, me dit-il. Et très authentique ! Maintenant que vous le dites, je le ressens aussi. Je dois bien admettre que la nature ne m’a pas gâté. Entouré de ces plantes, je me sens si bien !

— Les hommes sont des plantes curieuses, marmonnai-je.

Peut-être devrait-on vivre enfermé dans des serres. Mais n’était-ce pas là le but de l’architecture moderne ?

— Vous aussi devez les apprécier. Ce n’est pas, dit l’Allemand avec une gêne certaine, que vous soyez laid, oh non ! Je suis certain que les femmes peuvent vous trouver un charme indéniable.



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