En ces temps de tempêtes by Julia Glass

Auteur:Julia Glass [Glass, Julia]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature américaine, Roman, États-Unis
Éditeur: Gallmeister
Publié: 2023-05-31T21:00:00+00:00

Je me réveille pour découvrir le visage de Pearl à quelques centimètres du mien.

— Où est-ce qu’on est ? chuchote-t-elle. C’est quoi, cet endroit ?

Quelque chose me chatouille le menton. Quand je me redresse brusquement, manquant cogner ma tête contre la sienne, je vois qu’elle tient une minuscule plume blanche, probablement échappée de l’un de nos antiques oreillers. Je cale mon dos contre le mur et elle me tend une tasse de café. Elle porte mon gros sweat-shirt long, lourd, par-dessus ses vêtements. Quelqu’un a dû le passer dans le sèche-linge, il est tout chaud.

— Ton papa fait des pancakes, chuchote-t-elle encore. Il a dit qu’il n’allait pas au boulot. Je ne le connais pas mais il a l’air… décidé.

Je lui demande l’heure qu’il est ; dix heures.

— Oh là là, et qu’est-ce qu’on va faire ? dis-je.

— Prendre des vacances, je suppose. Grâce à ton père, j’ai appelé en prétextant une urgence familiale qui me donne quelques jours de congé de l’école, mais oui, c’était quoi, le plan ? Je n’arrive pas à m’en souvenir du tout.

Maintenant je sens l’odeur des pancakes et je réalise que je suis affamé. Il faut que je mange d’abord, et je penserai ensuite. Je nous ai amenés ici pour qu’on s’échappe, qu’on s’enfuie, mais de quoi, précisément ? Ce n’était pas comme si les explosions dans la ville où j’ai choisi d’habiter étaient une première.

Je me lève et j’enfile mon jean, qui a également été passé au sèche-linge. La sensation est formidable, mais le T-shirt que je porte est mince et j’ai encore froid. Tout ce que j’ai – moins le sweat que m’a piqué Pearl – c’est une des couvertures, que j’enroule autour de mes épaules. J’ai dû perdre une épaisseur en route.

L’appartement de papa est étonnamment clair de jour, même lors d’un jour gris, ce qui le rend plus agréable et pourtant, avec ses planchers et autres détails usés apparents, il est aussi plus triste qu’il ne m’a semblé au milieu de la nuit.

Mme T. est apparemment partie, sa literie est soigneusement pliée près d’un accoudoir du canapé. (Est-ce que mon ancienne prof d’anglais serait devenue la confidente de mon père ? C’est tout bonnement hallucinant.)

— Tu m’as fait tellement peur, en ne donnant pas de nouvelles, dit papa.

Il retourne les pancakes.

Les excuses étant inutiles, je lui dis que je suis désolé, mais il sourit à Pearl, et la presse de s’asseoir, non merci, pas besoin d’aide. Je vous en prie ! Tout ce qu’il veut, c’est nous nourrir, nous trouver ce dont nous avons besoin. Il suffit de lui dire. Je le regarde avec insistance à la dérobée. Il a perdu du poids – ce n’est pas mal en soi – mais il est plus gris aussi, non ?

Trois sets sont posés sur la petite table que je reconnais comme celle de notre porche à l’étage. Je me sens un peu nostalgique de cette vue : le jardin de ma mère, et au-delà, le port au loin, des bandes brillantes entre les arbres d’un voisin.

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