Embrasse ton amour sans lacher ton couteau by Laurent Chabin

Embrasse ton amour sans lacher ton couteau by Laurent Chabin

Auteur:Laurent Chabin [Chabin, Laurent]
La langue: fra
Format: epub
Tags: BIB Roman noir
ISBN: 9782764811726
Éditeur: Éd. Libre Express
Publié: 2016-03-21T04:00:00+00:00


Je lui ai donné rendez-vous le lendemain de mon arrivée dans un bar du quartier de Kensington. L’endroit était assez neutre – s’il n’avait pas changé –, et je ne tenais pas à le mettre mal à l’aise d’entrée de jeu.

Rod n’a pas eu l’air étonné de me voir débarquer comme ça, sans prévenir. Je ne préviens jamais. Il le sait.

Je me suis présenté au bar en avance. J’aime voir les gens arriver. Hommes et femmes. Ils me cherchent du regard, inquiets, curieux, avides. Ils ne me repèrent jamais tout de suite. Même si je suis aisément reconnaissable, il y a toujours un instant de flottement à ce moment-là. C’est que, avant que de me voir, ils m’imaginent…

Ce que je représente pour eux est un mélange de vice, d’insensibilité et de violence. Leur part d’ombre. Un crétin du département de théologie de l’université avait prétendu une fois que j’avais les pieds fourchus. Au moment où ils approchent, ils s’attendent donc à tomber sur une sorte de démon cornu. Même ceux qui me connaissent déjà – ou croient me connaître.

Rod, sur ce plan, m’a toujours amusé. Il m’aime bien, je crois, même si je l’inquiète un peu. Je suis une part de son rêve, celle qu’il n’ose pas s’avouer. Moi aussi je l’aime bien. C’est un intellectuel honnête. Un genre de merle blanc…

J’avais déjà commandé une autre vodka lorsque, vers onze heures, je l’ai vu apparaître à l’entrée du bar. Haute silhouette légèrement voûtée – la crainte de s’affirmer –, les yeux en perpétuel mouvement, la démarche sautillante. Ondulante, plutôt. Difficile à décrire, en tout cas.

Il a fouillé le fond de la salle de ses yeux de myope – on s’attend toujours à me trouver au fond, embusqué dans l’ombre, vêtu de noir et l’œil luisant de perversité et de malveillance.

Il a sursauté en m’apercevant attablé devant la baie vitrée, dos à la rue. Sourire un peu contraint. Il est venu s’asseoir en face de moi. Il ne m’a pas serré la main. Je n’ai d’ailleurs fait aucun mouvement pour l’y encourager. Personne ne me serre la main. Prudence, malaise… On ne sait jamais…

Échange de banalités. Il n’a pas voulu prononcer le premier le nom dont la simple mention m’a fait prendre un avion sur-le-champ. Je lui ai répondu, badin, l’œil amusé. Le supplice a duré un moment. Rod s’agitait, se grattait la joue, se raclait la gorge. Il a avalé une gorgée de vodka – trop vite –, s’est étouffé à demi. Il a toussé. Puis s’est enfin lancé.

— Tu sais, cette fille…

Il s’est tu. Je le dévisageais toujours, sans ciller, un sourire sur la moitié gauche de la bouche.

— Oui?

Il a pris son verre, l’a reposé, m’a jeté un regard gêné.

— Eh bien… ce n’était pas Lyne Czemely.

Ça y était. Maintenant, il m’intéressait. On ne jouait plus.

— Tu la connaissais?

— Non. Non, bien sûr, sinon je me serais aperçu tout de suite en la voyant qu’il ne s’agissait pas d’elle. Mais j’ai entendu parler de cette fille à l’époque où tu enseignais.



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